Caussade: l’illégalité du barrage est confirmée

Illégal sur le fond. Le jeudi 28 mars 2019, le tribunal administratif de Bordeaux vient de rejeter les demandes des promoteurs (le Syndicat Départemental des Collectivités Irrigantes de Lot-et-Garonne) du barrage de Caussade, retenue d’eau de 920 000 m3 dans le Lot et Garonne. Suite à cette décision qui conforte ses demandes,  France Nature Environnement milite pour une remise en état du site.

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Un projet qui ne tient pas sur le plan juridique

Nouvel épisode dans le désolant feuilleton du barrage de Caussade : il donne, pour la 5ème fois, raison à France Nature Environnement et sa fédération régionale, la SEPANSO. En effet, par sa décision du 28 mars portant sur le fond de l’affaire, le tribunal administratif de Bordeaux confirme le bien-fondé du retrait par la Préfète de l’arrêté autorisant la retenue de Caussade. Après avoir étudié l’ensemble du dossier, la justice confirme donc que le projet est bel et bien illégal.

Ce projet, c’est celui d’une digue devant barrer le ruisseau de Caussade. Objectif affiché : créer un lac artificiel de 920 000 m3 pour l’usage d’une vingtaine d’irrigants. Le tribunal rappelle que ce projet ne répond en rien à une gestion soutenable de l’eau pour les habitants d’un territoire où l’on manque d’eau régulièrement. En effet, il souligne que ce projet est incompatible avec deux textes : la directive-cadre sur l’eau et le SDAGE (Schéma Directeur d’aménagement et de gestion des Eaux) du bassin Adour-Garonne qui, tous deux, fixent des objectifs de bon état de la ressource en eau et des milieux aquatiques. L’absence de « contribution du projet à l’adaptation des productions agricoles au changement climatique » est sanctionnée. En clair : dans un contexte où l’eau se fait de plus en plus rare, le barrage se remplira de plus en plus difficilement, et n’est donc en rien une solution.

L’urgence de remettre en état le site ravagé

Les premières victoires juridiques des associations ont poussé des délinquants environnementaux à agir en force en novembre dernier. En toute illégalité, la Coordination Rurale, syndicat aux manettes de la Chambre d’agriculture du département, a pris des pelleteuses, saccagé la nature et revendiqué « l’inauguration » de la digue barrant le ruisseau de Caussade. Un vrai racket de l’eau contre lequel l’État n’a jamais sérieusement pu réagir localement, face à des années d’intimidations par des personnes déjà condamnées pour agressions et dégradations.

La nouvelle décision de justice de ce 28 mars confirme ce que France Nature Environnement dénonce : ce barrage est fondamentalement illégal. Afin de retrouver sa crédibilité en matière de gestion partagée de l’eau, et particulièrement sur le bassin Adour Garonne, l’État doit organiser de toute urgence la remise en état du site mais aussi obliger à la compensation des dommages d’ores et déjà réalisés sur la nature.

Il ne peut en effet y avoir aucune complaisance avec la délinquance écologique, avec les destructions de milieux et d’espèces protégées, avec la prise de risques pour la sécurité publique : le non-respect des règles qui s’appliquent à tous n’aboutira qu’à des guerres de l’eau, loin d’une gestion partagée. Cela est d’autant plus important dans un département où un climat délétère s’est installé depuis plusieurs années pour l’intérêt privé de quelques-uns.

Racketter l’eau ne peut être une solution face au dérèglement climatique

Le projet de Caussade est l’illustration d’une fuite en avant des irrigants face aux effets du changement climatique. Le réchauffement en cours de plus 2 à 4 degrés a pour conséquence des sols plus secs, des nappes souterraines qui ont plus de difficultés à se recharger et qui in fine alimentent moins les cours d’eau… Les situations de stress hydrique risquent de devenir plus fréquentes et les sécheresses plus longues, voire pluriannuelles. L’adaptation à la crise climatique ne peut dès lors qu’être collectivement menée, en fonction de tous les enjeux à l’échelle du bassin versant, ce qui est le rôle du SDAGE. Il est donc irresponsable de laisser quelques-uns construire leur propre barrage, ce qui revient à s’accaparer cette eau devenue de plus en plus rare.

Ces stockages démesurés aggravent la situation du territoire et sont une solution de court-terme pour des agriculteurs et agricultrices confrontés au manque d’eau pour bien des années. Au lieu de jeter l’argent par les fenêtres et saccager la nature, la Chambre d’agriculture devrait consacrer ses efforts à réduire sa dépendance à l’irrigation, mieux utiliser les centaines de retenues déjà créées, accompagner le changement vers des cultures moins gourmandes en eau et moins impactantes sur sa qualité, développer des modèles agro-écologiques plus robustes face au changement climatique comme d’autres, avant eux, l’ont déjà fait.

Les Assises de l’Eau doivent affirmer le choix d’une gestion collective et démocratique du bien commun qu’est l’eau

Les enjeux de partage de l’eau, dans la situation présente et a fortiori avec les évolutions climatiques à l’œuvre, sont capitaux. Dans ce contexte, les pouvoirs publics ont pour rôle de ne pas céder aux sirènes des intérêts corporatistes mais bien de définir des projets de territoires partagés. Les Assises de l’eau en cours doivent rappeler cette nécessité d’intégrer tous les enjeux et usages en donnant une priorité claire à la sobriété de nos consommations, à la reconquête de la qualité des eaux et aux solutions fondées sur la nature qui permettent une gestion globale et équilibrée de la ressource vitale qu’est l’eau.

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