Le Varenne de l’eau au secours du modèle agricole dominant

Le 20 octobre eut lieu la réunion à mi-parcours des travaux du Varenne agricole de l’eau et du climat. A l’occasion de cet exercice de communication du ministre de l’Agriculture, nous, la Confédération paysanne, la Fédération nationale d’agriculture biologique, l’UFC-Que Choisir, France Nature Environnement et le Réseau Action Climat avons alerté sur la tournure que prend cette séquence qui se révèle n’être qu’une parodie de consultation. De nombreuses parties prenantes ont été délibérément écartées des groupes de travail, notamment des syndicats agricoles, les syndicats professionnels représentant l’agriculture biologique, plusieurs organisations environnementales et les associations de consommateurs, le débat s’en trouvant totalement déséquilibré au bénéfice des irrigants et de la vision la plus intensive de l’agriculture.


Le devenir des agriculteurs et agricultrices ainsi que notre sécurité alimentaire méritent mieux que ce Varenne agricole de l’eau et du climat, tribune offerte aux fausses solutions en matière d’accès à l’eau et d’adaptation au changement climatique. Le maintien d’un modèle agricole fortement dépendant de l’irrigation bénéficiant de financements publics disproportionnés pour des cultures inadaptées à l’évolution climatique conduiront dans le mur notre système de production alimentaire. L’irrigation telle qu’elle est discutée dans le cadre de ce Varenne est un obstacle à la souveraineté alimentaire de la France. Le maintien sous perfusion de systèmes de production dépendant de l’irrigation continuera d’accroître la vulnérabilité aux aléas climatiques des agriculteurs et des citoyens.

Pour le Réseau Action Climat : “L’adaptation de l’agriculture au changement climatique n’est pas une course aux solutions miracles. Les solutions existent déjà sur le terrain : l’agroécologie, dont l’agriculture biologique, les haies, les prairies permanentes, la diversification des cultures, etc. Ce sont ces solutions qui permettent aux fermes d’être résilientes sur le long terme. Pourtant aujourd’hui les politiques publiques ne sont pas au rendez-vous pour soutenir l’agroécologie : la version du PSN (Plan stratégique national, déclinaison nationale de la PAC) proposée par le ministre de l’agriculture en septembre dernier le prouve une fois de plus. 

Pour France Nature Environnement : “La politique de la gestion et la préservation de la ressource en eau face au changement climatique doit impérativement se penser collectivement. Vouloir traiter de son “volet agricole » de façon déconnectée des autres usages et des milieux, constitue un vrai recul par rapport aux conclusions des Assises de l’Eau de 2019. L’eau n’est pas un « gisement » à exploiter mais une ressource à économiser et des milieux à préserver.  Nous rappelons la nécessité de donner la priorité à l’eau potable et au bon fonctionnement des milieux naturels. Puis, une fois ces enjeux sécurisés, il faut organiser une répartition stratégique de l’eau réellement disponible dans chaque territoire entre les usages, sans séparer les enjeux de qualité et de quantité. La souveraineté alimentaire est un enjeu crucial, qui nécessite d’abord de conforter la résilience de l’agriculture pluviale (non irriguée) qui est pratiquée par 85 % des fermes françaises. Nous appelons à revenir au cadre légitime des assises de l’Eau, et à une vraie démarche concertée, territorialisée et multi-acteurs de la gestion de l’eau.

Pour la Confédération paysanne : « Lorsqu’on parle d’irrigation en agriculture, c’est avant tout la question de la répartition de l’eau qui doit se poser. L’irrigation est indispensable pour produire l’alimentation, mais elle doit soutenir une agriculture qui a du sens. Cet usage doit s’inscrire dans un ensemble de pratiques qui visent d’abord à économiser la ressource. Les subventions publiques doivent favoriser cette atténuation des impacts de l’agriculture sur la ressource en eau et ensuite soutenir une irrigation sur des fermes à forte valeur ajoutée en emplois et pour des productions qui participent à la souveraineté alimentaire locale.« 

Pour la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique : “Dans un monde où la disponibilité en eau va être de plus en plus disputée, il est du rôle de l’Etat de garantir le caractère de bien commun de l’eau. La FNAB soutient une priorisation des usages de l’eau en garantissant d’abord l’autonomie alimentaire et les productions les moins énergivores et vivrières pour l’humain, puis l’alimentation des animaux d’élevage. Enfin, l’accès à l’eau pour tous doit être assuré, y compris pour les nouveaux installés, vecteur essentiel du renouvellement générationnel de l’agriculture.

Pour l’UFC-Que Choisir : “Alors que la France connaît désormais des périodes de sécheresse récurrentes qui nécessitent d’adapter l’agriculture à l’évolution climatique, les travaux du Varenne de l’eau visent au contraire à accélérer la construction de retenues d’eau, financées essentiellement par les consommateurs et les contribuables, dans le seul but de pérenniser des modes de productions très consommateurs d’eau et particulièrement polluants. De plus, cette évolution contribue à privatiser une ressource qui devient rare au profit d’une seule catégorie d’acteurs économiques. À rebours de cette fuite en avant, l’UFC-Que Choisir demande que soit enfin mis en œuvre le principe pollueur-préleveur payeur et exige que les prélèvements d’eau dans le milieu naturel ne soient autorisés que si leur intérêt est justifié par un projet de territoire multi-usagers, respectant la stricte priorité pour l’alimentation en eau potable et permettant le développement de systèmes de production vertueux pour l’environnement”.

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