Métropole de Lyon : faut-il mettre l’eau en régie ?

Le Grand Lyon prépare l’après 2023, date d’échéance de la délégation de service public à Veolia. Deux visions s’affrontent : les pro-DSP craignant la complexité du transfert, le poids des investissements, les lourdeurs du service public, et les pro-régie favorisant la vision de long terme et le contrôle d’une ressource vitale. Article de Léa Delpont publié dans Les Echos du 12 novembre 2019.

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Le patrimoine de la collectivité comprend 64 réservoirs et châteaux d’eau, 4.000 kilomètres de canalisations, 114 puits et 43 stations de pompage. DR

Il était temps. En 2012, lors des discussions sur la délégation de service public de l’eau potable,  un marché à 660 millions d’euros attribué à Veolia , le Grand Lyon s’était engagé à réétudier la faisabilité d’un passage partiel en régie avant 2020. C’est le 4 novembre 2019, à deux mois de l’échéance, que la Métropole s’est penchée sur deux scénarios de mixité fonctionnelle, consistant à passer en régie publique la seule production, en laissant au secteur privé la distribution.

Une commission générale sans vote a examiné le rapport du groupe de travail sur  l’eau potable : « bien rare », à « caractère d’exception », « ressource vitale », ont souligné tous les intervenants, unanimes sur le bilan positif de la DSP signée avec Veolia, entrée en vigueur en 2015 pour huit ans. Mais faut-il aller plus loin dans le contrôle de l’eau, après 2023 ?

Les membres du groupe d’étude n’ont pas trouvé de consensus à l’issue de neuf réunions depuis janvier. Les élus ont quelques mois de plus pour y réfléchir : le président David Kimelfeld laisse « au prochain exécutif toute la matière nécessaire pour prendre une décision sur l’eau potable ».

220.000 m3/jour

La DSP, encadrée par cent trente indicateurs de suivi, assortis de pénalités, a permis d’atteindre le rendement requis de 85 % (qui était tombé à 76 %) et de remplir les objectifs de renouvellement des réseaux.  Le prix de l’eau , qualifié de « juste » à 3,13 euros le m3, a nettement baissé (-20 %) pour les consommateurs, ainsi que l’abonnement (-25 %).

Le rapporteur Jean-Paul Colin a pointé plusieurs enjeux. Près de 90 % de l’approvisionnement provient du champ captant de Crépieux-Charmy, 370 hectares avec une production moyenne de 220.000 m3/jour. Même si la Métropole dispose d’une ressource de secours de 150.000 m3 avec le Lac des Eaux Bleus, « la dépendance est trop forte et crée une situation de fragilité », dit-il. Les projections estiment de 40 à 250 millions d’euros les investissements requis pour la diversification et la sécurisation de la ressource.

Autre préoccupation : la modernisation du patrimoine, 64 réservoirs et châteaux d’eau, 4.000 kilomètres de canalisations, 114 puits et 43 stations de pompage. Il faudrait 35 millions d’euros par an pour accélérer leur renouvellement.

Deux scénarios sont à l’étude : une régie de production d’eau potable jusqu’aux stations primaires, pour un coût de création de 4,5 millions d’euros, ou plus en aval jusqu’aux réservoirs de tête, pour 12,5 millions. Dans les deux cas, le surcoût en fonctionnement s’élèverait à 1,7 million par an. Des montants « pas de nature à remettre en cause la faisabilité », conclut Jean-Paul Colin.

Choix politique

Puisqu’aucun élément financier ou technique ne fait pencher clairement la balance en faveur de la DSP ou de la Régie, « le choix du mode de gestion doit être un choix politique », a déclaré Gérard Claisse (Gauche Solidaire), l’élu qui a négocié de nombreuses DSP pour la majorité actuelle. Mais pour l’eau, « plus rare que l’or à l’échelle cosmique », ce spécialiste se prononce en faveur « d’une régie ou d’une Société Publique Locale ». Non seulement pour la production mais aussi pour la distribution. Sur ce scénario plus radical, il est rejoint par les différents groupes de gauche (Gram, PC, EELV, Socialistes, PRG, Métropole Autrement…). Les plus conciliants accepteraient la mixité fonctionnelle comme un compromis ou une situation transitoire.

Plus à droite et dans l’opposition, les groupes sont favorables à la délégation de service public, à l’instar de François Noël Buffet (LR),  candidat contre David Kimelfeld en mars 2020 . « Pour ne pas courir le risque de ne pas faire aussi bien », motive le groupe UDI.

Une hausse du tarif semble se dessiner pour faire face aux enjeux d’investissements. Mais en contrepartie, plusieurs groupes rappellent leur attachement à « une tarification sociale et environnementale ».

Lyon rejoindra-t-elle Grenoble,  Paris , Brest, Rennes et d’autres ? La part de la population française desservie par une régie publique est remontée de 28 à 40 %. C’est 80 % au niveau européen. La socialiste Sandrine Runel fait le voeu que cette séance « ne soit pas un coup d’épée dans l’eau ».

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