Bataille pour l’eau entre agriculteurs « irrigants » et défenseurs du Marais poitevin

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En amont du Marais poitevin, une coopérative d’agriculteurs prévoit de construire 19 « bassines » pour retenir 8,6 millions de m³ d’eau. But : l’irrigation estivale de 226 exploitations. Associations, élus, citoyens et partisans d’une autre agriculture se mobilisent pour les en empêcher, ce jeudi 21 décembre devant la préfecture, à La Rochelle. Article de Baptiste Giraud (Reporterre)

  • La Rochelle (Charente-Maritime), correspondance

Leurs promoteurs les appellent des « bassines ». Les opposants, des « cratères ». Le langage technique, lui, ne se mouille pas en employant la périphrase « réserves de substitution ». Concrètement : prenez un champ de plusieurs hectares, creusez de quelques mètres à l’intérieur, érigez une digue sur la périphérie, posez une bâche sur la surface obtenue, et amenez-y finalement de grandes quantités d’eau. Voilà votre « bassine ».

La Coopérative de l’eau des Deux-Sèvres, qui regroupe 226 agriculteurs du bassin de la Sèvre niortaise et du Marais poitevin (à cheval sur les Deux-Sèvres, la Charente-Maritime et la Vienne), projette de construire dix-neuf retenues de ce type. Hautes de neuf à quatorze mètres, s’étalant sur quatre à dix-huit hectares chacune (plus de deux cents au total), elles leur permettraient de stocker pas moins de 8,6 millions de m³ d’eau, prélevés durant l‘hiver dans les nappes souterraines et quelques rivières. Par comparaison, le barrage de Sivens (qui consistait également à stocker de l’eau, mais dans une réserve directement située sur un cours d’eau) ne devait contenir que 1,5 million de m³, sur 48 hectares.

Comme à Sivens, il s’agit pour les porteurs du projet (soutenus par la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres, et conseillés par la Compagnie d’aménagement des Coteaux de Gascogne) de s’assurer d’avoir de l’eau disponible pour irriguer leurs grandes cultures en été — du maïs, pour 81 % des terres irriguées. Car la ressource se fait rare. La zone est en déficit chronique depuis des années, constatent élus, pêcheurs et défenseurs de l’environnement. Elle est classée en « zone de répartition des eaux » (une « zone où est constatée une insuffisance, autre qu’exceptionnelle, des ressources par rapport aux besoins », d’après Eau France) depuis 2014.

 La raréfaction de l’eau dans les rivières et les nappes a entraîné des restrictions

« On nous demande de recadrer le volume d’eau prélevé pour l’irrigation, par rapport à des objectifs inscrits dans les schémas de gestion des eaux (le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux [Sdage] et le schéma d’aménagement et de gestion des eaux [Sage]), explique Pierre Trouvat, président de la Coopérative de l’eau. Afin de respecter ces objectifs tout en maintenant la capacité d’irrigation, nous avons proposé de stocker l’eau l’hiver [du 1er novembre au 31 mars], lorsqu’elle est abondante. »

Le principe, personne ne le conteste. Mais ça se corse quand on en vient aux chiffres. « Avant 2005, nous prélevions jusqu’à 24 millions de m³ par an [sur le bassin Sèvre niortaise Marais poitevin, concerné par les bassines], c’est notre volume de référence », assure Pierre Trouvat. Les opposants contestent ce chiffre, qui aurait été gonflé pour maximiser les besoins des irrigants, selon eux. Ils estiment que 19 millions ont été prélevés sur une année au maximum. Toujours est-il que depuis, la raréfaction de l’eau dans les rivières et les nappes a entraîné des restrictions, avec le souci de revenir à un équilibre entre ressource disponible et prélèvements. Il n’est plus autorisé de prélever que 15 millions de m³ maximum par an. En cas d’épisode de sécheresse, des arrêtés préfectoraux limitent encore davantage les pompages. En conséquence, le volume réel prélevé ces dernières années variait entre 8 et 10 millions de m³ par campagne.

Avec les bassines, c’est cette capacité de 15 millions de m³ que les agriculteurs irrigants espèrent retrouver. 8,6 millions de m³ seraient stockés dans les bassines durant l’hiver (10,6 en comptant les bassines existantes), tandis que 7,3 resteraient « prélevables » durant l’été. « De substitution, les bassines n’ont que le nom », interprètent donc les opposants. « Le projet vise à doubler les capacités d’irrigation l’été par rapport à ce qu’elles sont aujourd’hui », écrit dans sa contribution à l’enquête publique (mars 2017, suivie d’un avis favorable en mai) la députée des Deux-Sèvres et ancienne ministre de l’Écologie Delphine Batho. La Coopérative de l’eau, elle, communique sur la « réduction de 70 % des prélèvements autorisés dans le milieu en été » que doivent permettre les bassines.

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