« Février se termine avec un déficit des précipitations autour de 75%. » Après un début d’année extrêmement sec, marqué par une trentaine de jours consécutifs sans pluie sur l’Hexagone, Simon Mittelberger, climatologue à Météo France, alerte sur le manque de précipitations en France, ce qui rend les terres particulièrement sèches. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a appelé, lundi 27 février, les préfets à prendre des arrêtés de restriction d’eau « dès maintenant » pour anticiper d’éventuelles situations de crise pendant l’été. A quoi est due cette situation ? France info a posé la question à plusieurs scientifiques.
Il ne pleut pas assez depuis plus d’un an
Depuis un an, il a peu plu en France. Selon les bulletins climatiques mensuels de Météo France, les précipitations étaient en moyenne déficitaires sur neuf des douze derniers mois, par rapport aux normales enregistrées de 1991 à 2020. Citons les mois de mai ou juillet dernier, par exemple, pendant lesquels les précipitations étaient de près de 65 et 85% en dessous des normales.
Le mois de février 2023 s’inscrit ainsi dans la tendance globale négative de ce tableau annuel. « Il a été particulièrement sec et se termine avec un déficit des précipitations de 75% », relève Simon Mittelberger.
« La France est plus sèche qu’elle ne devrait l’être. La situation actuelle est celle qu’on rencontre normalement autour de la mi-avril. Pour l’Occitanie, l’Auvergne-Rhône-Alpes et la région Paca, c’est même une situation du mois de mai. »
Simon Mitterberger, climatologue à Météo Franceà France info
Par ailleurs, ces chiffres ne reflètent pas certaines inégalités territoriales : des régions sont plus gravement touchées par la sécheresse que d’autres. Par exemple, en janvier, si les précipitations étaient « conformes à la normale » (-3,8%) en moyenne sur l’ensemble du pays, il y avait un très gros déficit, de « 50 à 90% », dans le Sud-Est, précise Météo France dans son bulletin mensuel.
Le récent retour des précipitations ne suffit pas
Les nappes phréatiques se trouvent aujourd’hui à des niveaux particulièrement bas. Trois quarts se trouvaient sous la moyenne, exposait mi-février auprès de France info le docteur en agroclimatologie Serge Zaka. « On est parti d’un niveau tellement bas et sec, à la suite de la sécheresse de l’an dernier, qu’il aurait fallu un hiver nettement excédentaire » pour de nouveau humidifier les sols, résume Simon Mittelberger.
S’il s’est remis à pleuvoir dans certaines zones, à partir du 23 février, crier victoire n’a pas lieu d’être. « Ce n’est pas suffisant pour remplir les nappes phréatiques, comme peuvent le faire les pluies douces de l’hiver. De plus, il n’y a pas de neige en montagne, les glaciers stockent donc moins d’eau, importante pour la saison estivale », déplore auprès de France info Davide Faranda, chercheur au CNRS spécialisé dans l’attribution d’événements météorologiques extrêmes.
En effet, si les pluies « douces » sont absorbées par la végétation et alimentent les sols, puis les nappes pendant tout l’automne et l’hiver, les dernières précipitations ne font, elles, que ruisseler en surface jusqu’à la mer. Par conséquent, « cet hiver devrait être autour du dixième plus sec qu’on ait connu », annonce Simon Mittelberger. Les premiers enregistrements en la matière remontent à 1959, rappelle Météo France.
Le changement climatique favorise la fréquence des sécheresses
Selon les scientifiques, le réchauffement climatique, causé par nos émissions de gaz à effet de serre, favorise ces épisodes de sécheresse. Le phénomène bouleverse en effet le cycle des précipitations, augmentant leur variabilité, « avec des périodes longues de sécheresses interrompues de pluies diluviennes », explique Davide Faranda.
Comme le montre le dernier rapport (PDF) du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), les sécheresses sont ainsi plus fréquentes et plus intenses avec un climat plus chaud. Un tel épisode, « qui se produisait en moyenne une fois tous les 10 ans dans un climat sans influence humaine dans les régions qui s’assèchent », surviendra « probablement » 2,4 fois sous un réchauffement planétaire à +2°C ,et 4,1 fois en cas d’augmentation des températures de 4°C, expliquent les spécialistes.
La sécheresse de 2022 illustre ces conclusions. D’après une étude du CNRS publiée mi-février, le réchauffement climatique lié à l’activité humaine est bien à l’origine du phénomène survenu l’été dernier. « On a comparé des séries de données sur les sécheresses avant 1915 et à partir de 1945. Les sécheresses existaient aussi avant, causées par les anticyclones, mais elles étaient moins intenses et moins étendues », explique Davide Faranda, co-auteur de l’étude.
Quant à l’absence de pluie cet hiver, son lien avec le changement climatique n’a pas encore été étudié. Mais, selon le chercheur, elle ressemble à celle de l’été dernier. « Elle connaît les mêmes caractéristiques étudiées », à l’image de son étendue sur plusieurs pays, par exemple.