Paris, Grenoble, Rouen, Castres, Cherbourg, Montpellier, Rennes et Bordeaux d’ici 2018. Autant de villes qui ont fait le choix de (re)créer une grande régie publique de l’eau. Un choix assumé et doublé d’un véritable marqueur politique.
À Carcassonne Agglo, on réfléchit encore à la question ! De l’autre côté de la barre, les tenants d’une «collectivisation» de l’eau attendent toujours l’organisation d’un vrai débat, susceptible de poser les véritables enjeux de la gestion d’un bien commun. Prudent, Régis Banquet, le président de Carcassonne Agglo, se refuse encore à trancher. «J’ai commencé à rencontrer les élus sur ce dossier», explique-t-il. En attendant, le maire d’Alzonne sait aussi, par expérience, que la gestion en régie dans les zones rurales permet d’intervenir très vite sur les réseaux. Et donc d’apporter un véritable service public. Reste à en connaître le coût pour le consommateur-contribuable.
Un choix de société
La création ex nihilo d’une régie est-elle supportable pour une collectivité dont les finances ne sont guère reluisantes ? «Donner les clés du camion» à un industriel est-il tout aussi judicieux pour assurer un service identique que l’on habite Carcassonne ou Citou ?
Quels seront les délais d’intervention, s’interrogent quelques maires ruraux, sans compter que certains devront expliquer à leurs administrés que le prix de l’eau augmentera, alors même que les garanties risquent, elles, de baisser. Le dossier est politique tout autant que financier. Mais il faut désormais aller très vite dans le choix du mode de gestion. Les opérateurs privés, eux, sont très certainement prêts à rafler la mise. Carcassonne Agglo semble pour sa part encore tergiverser entre eau publique et eau privée. Le débat est certes très technique mais échappe toujours aux citoyens. Il en va pourtant d’un choix de société. Est-ce à un bureau d’études d’imposer ses vues et de dicter le vote des élus?
Patrick Barbier, membre du collectif pour une gestion publique de l’eau
«Depuis 40 ans, à Carcassonne, il n’y a jamais eu de débat public sur la gestion de l’eau. Le renouvellement des marchés était automatique ou presque. Ce que nous défendons au sein du collectif, ce sont des principes. L’eau est un bien commun de l’Humanité qui est gratuit. Le prix de l’eau doit revenir à l’eau et non être reversé à des actionnaires. On ne peut pas accepter que des groupes privés fassent de l’argent avec un bien public. Lorsqu’ils sont en campagne, les politiques affirment tous : «Nous avons des valeurs !» Alors aujourd’hui nous leur disons qu’ils sont là pour servir le citoyen en non le consommateur. On s’aperçoit aujourd’hui que toutes les collectivités qui ont fait le choix de la régie ont pu faire baisser les tarifs de l’eau. La délégation de service public échappe à toute rationalité. Nous avons rencontré Régis Banquet et Roland Combettes à maintes reprises. Ils nous disent à chaque fois : «On réfléchit !» Et ils font appel à des cabinets extérieurs qui coûtent fort cher. En fait, cela leur permet de gagner du temps. Qu’ils aillent voir leurs amis socialistes qui sont passés en régie. ça, ça ne coûterait rien aux contribuables !»
Régis Banquet, président de Carcassonne Agglo
«Je ne suis ni contre une eau en régie ni contre une gestion sous le mode d’une délégation de service public, mais j’ai besoin d’éléments factuels, comptables et concrets. L’important est de pouvoir distribuer une eau de qualité. On ne peut pas choisir un mode de gestion par pur dogmatisme. Je sais que certains ne veulent pas entendre parler de délégataire. D’autres ne voient que par la régie. Et dans ce concert, on trouve des maires de droite ou de gauche. De toute façon, nous n’arriverons pas à un consensus avec les 73 communes. En revanche, ce que je constate c’est qu’il y a 73 tarifications différentes et assez peu de solidarité entre les communes. Ce qui nous importe dans un premier temps, c’est de faire converger les prix avant d’aller dans le temps vers un prix unique. Pour ma part, je pense que l’on ne peut pas traiter l’alimentation en eau d’une manière unique sur l’ensemble de l’agglomération. Il y a huit territoires bien distincts et l’on doit être en mesure de rendre le même service partout. Dans ma commune à Alzonne, l’adduction est en régie et les employés communaux ont une connaissance précieuse du réseau. En revanche, l’assainissement est géré par un fermier. Et le tout fonctionne».