Des « polluants éternels » présents dans quasiment toutes les rivières ou lacs de France

Selon une étude de l’ONG Générations futures, des substances chimiques perfluorées, dits « polluants éternels », ont été retrouvées dans des rivières, lacs ou étangs de la quasi-totalité du pays. Sur 13.000 échantillons analysés, 4 sur 10 sont contaminés. Pollution largement sous-estimée selon l’ONG. Par Manon Derdevet sur France Inter.

Le constat de l’ONG Générations futures est sans appel. Sur 13 000 échantillons d’eaux prélevés en 2020 dans 93 départements de France, dans des rivières, des lacs ou des étangs, 36 % sont pollués par au moins une substance chimique perfluorée (PFAS). Des substances, aussi appelées « polluants éternels », sont soupçonnées d’être néfastes pour la santé et pourraient provoquer des cancers ou perturber nos systèmes immunitaires et hormonaux.

Face à ces résultats, encore partiels, Générations futures alerte sur une pollution encore sous-estimée. Elle demande au gouvernement français de restreindre l’utilisation de ces produits, et même de soutenir leur interdiction dans toute l’Union européenne.

Des disparités en fonction des départements français

L’étude a recherché 18 composés perfluorés dans les eaux superficielles françaises en 2020 dans près de 13 000 échantillons. Au moins un de ces produits chimiques a été retrouvé dans près de 4 échantillons sur 10, soit 36 % des cas. Un résultat supérieur de 11 % par rapport aux résultats de l’étude l’Anses de 2011, note le rapport de Générations futures.

La présence de ces substances « très persistantes dans l’environnement » varie en fonction des départements selon le rapport. À Paris ou dans les Hauts-de-Seine, la totalité des échantillons prélevés contient ces polluants dits « éternels ». « Dans 57 départements, au moins un PFAS a été quantifié dans plus de 50 % des analyses effectuées », note l’étude. Il n’y a que cinq départements dans lesquels aucune trace de substance perfluorée n’a été trouvée : la Corrèze, la Dordogne, le Tarn, la Guadeloupe et la Martinique.

Aucune donnée n’était disponible pour l’année 2020 dans la base Naïades, utilisée pour l’étude, pour les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, des Vosges, de la Meurthe-et-Moselle, de la Moselle, de la Seine-Saint-Denis, de Mayotte et de Guyane. En fonction des départements, le nombre de PFAS retrouvés varie entre 0 et 11.

Des polluants très nocifs

Les eaux ne sont pas assez analysées regrette Pauline Cervan, toxicologue pour Générations futures et pourtant les risques de ces polluants sont nombreux. « Les premiers effets toxiques qui sont retrouvés à très faible dose, ce sont des effets sur le système immunitaire avec une diminution de la réponse vaccinale chez les enfants », assure-t-elle à France Inter. Mais il y a également d’autres effets noc

ifs selon l’ONG comme « des effets cancérigènes, perturbateurs endocriniens » des effets qui arrivent à « très faible dose », selon Générations futures.

Selon la toxicologue, il est primordial de bien surveiller ces polluants. « Si l’eau de surface est contaminée, potentiellement les eaux de consommation humaine peuvent être aussi contaminées. Aussi, les sols qui vont être irrigués avec ces eaux contaminées risquent d’être pollués », alerte Pauline Cervan. « Il y a certains PFAS qui sont dits très bioaccumulables, c’est-à-dire qu’ils vont se retrouver dans les organismes vivants, comme les poissons ou les crustacés, qui potentiellement seront consommés par la suite et peuvent être contaminés aussi », complète-t-elle. « Il est donc très important d’avoir une idée des quantités présentes dans les eaux pour éventuellement anticiper la contamination des eaux potables ou des aliments pour les éviter », conclut Pauline Cervan.

L’ONG appelle à mieux contrôler ces polluants

Générations futures assure dans son rapport que ces résultats sont compliqués à interpréter compte tenu des méthodes d’analyses différentes en fonction des départements, mais aussi de la diversité des substances recherchées. « La fréquence des recherches est aussi très variable de 6 à 440 échantillons analysés en 2020. Cela permet à certains PFAS de ne pas être repérés », assure l’étude. C’est pourquoi elle assure que cette pollution est encore sous-estimée. Elle appelle à se méfier de « l’impression faussement rassurante pour de nombreux départements ».

L’ONG reconnaît que des avancées ont été faites depuis 2020 avec notamment l’arrêté du 26 avril 2022 qui prévoit le suivi de cinq PFAS dans les eaux de surface, mais c’est encore largement insuffisant selon elle. « Aujourd’hui certains PFAS très problématiques comme le PFNA (cancérogène possible, reprotoxique probable….) ne font pas partie de la liste française ! », s’insurge Générations futures. Elle demande donc au gouvernement français de mieux contrôler ces substances.

Pour Générations futures, il est primordial de rechercher dans tout le pays, et en particulier dans les zones de captage pour l’eau potable, les 24 PFAS jugés prioritaires par la Commission européenne « sans attendre la date d’entrée en vigueur de la directive cadre sur l’eau révisée ». Elle appelle aussi à utiliser d’autres méthodes d’analyses pour mieux quantifier toutes ces substances. Enfin, Générations futures demande l’interdiction de l’ensemble des PFAS dans l’Union européenne. Aujourd’hui, seuls les PFOA (depuis 2020) et les PFOS (depuis 2009) sont proscrits.

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