Ni les nappes souterraines, ni le Clain, ne se sont rechargés depuis l’été. Élus et techniciens de Grand Poitiers surveillent la ressource en eau potable avec les plus vives craintes. Publié dans Centre Presse, le quotidien de la Vienne.
Au cœur du mois d’août, Laurent Lucaud, vice-président de Grand Poitiers (1) chargé de l’eau, et Stéphane Depont, directeur général adjoint à la transition écologique, avaient fait part de leurs craintes sur la ressource en eau, dans une conférence de presse, appelant les Poitevins à la sobriété. Trois mois plus tard, la situation ne s’est pas améliorée.
Quelle est la situation de la ressource en eau potable de l’agglomération de Poitiers?
Laurent Lucaud: « On n’a pas plus de réserve qu’au mois d’août. On traîne le déficit de pluviométrie constaté dès le printemps (- 45 %) et la situation ne s’est pas améliorée.
« À la source
de Fleury
on navigue
dans l’inconnu »
À Poitiers, le débit du Clain est actuellement mesuré à 1,87 m/seconde, alors que les seuils de crise sont à 2,2 et 1,9 m/s. Ce sont des niveaux qu’on connaît habituellement en plein été. Il suffit de regarder la rivière depuis n’importe quel pont: on voit les cailloux.
Quant au captage souterrain de Fleury (2), on y franchit des seuils jamais atteints jusqu’alors. On est en dessous de la moyenne la plus basse qui avait été mesurée! On a un débit de 190 m, alors que la moyenne était à 445 m sur les dix dernières années. On navigue dans l’inconnu. Il faudrait quatre mois de pluie à 100 millimètres d’eau pour recharger. On en est loin. »
Ça veut dire que les Poitevins ouvrent trop le robinet?
Laurent Lucaud : « Absolument pas. C’est même le contraire. Nos appels, notamment via vos médias, ont été entendus. La consommation n’a jamais été aussi basse pour cette époque. Il y a une réelle prise de conscience des habitants sur le sujet de l’eau potable. »
Stéphane Depont: « Notre objectif, c’est de rester en dessous de 25.000 m d’eau consommés chaque jour, ce qui est la consommation moyenne en période météorologique moyenne. On a maintenu cette limite tout l’été et, en ce moment, on est même à 23.500 m. Alors qu’on a connu des pointes à 33.000 m, certains jours d’été, il y a deux ou trois ans. »
S’il ne pleut pas, quels sont vos leviers?
Laurent Lucaud: « On dispose d’un service public engagé dans la modernisation du réseau et la chasse aux fuites. On a amélioré le maillage territorial du réseau d’eau et assainissement. On continue d’investir sur le réseau, aujourd’hui, on répare encore deux fuites par jour. Sur une année, on arrive à économiser un million de mètres cubes.
Mais s’il ne pleut pas et vu qu’on est toujours en situation de crise… et bien on le sera encore plus et encore plus tôt. »
(1) La communauté urbaine gère en direct l’assainissement et l’eau potable des treize communes « historiques » de Grand Poitiers. Les autres sont approvisionnées par Eaux de Vienne.
(2) Le principal captage de l’agglomération, à Lavausseau.
Pour en savoir plus
« L’eau potable
est prioritaire »
En plein débat départemental sur les réserves de substitution pour l’irrigation agricole, Laurent Lucaud rappelle la règle: « L’eau potable est prioritaire. Aucune réserve de substitution ne pourrait être alimentée si les nappes étaient en dessous des niveaux requis pour les besoins en assainissement et en eau potable. » Ce qui est le cas actuellement à Fleury, par exemple.
Propos recueillis par Philippe Bonnet