Appel d’Eau Secours, la coalition des associations #Balancetonsiaeg, Calou Gwadloup et MounGwadloup, initialement lancé en octobre 2020. Un rapport sur le droit à l’eau en Guadeloupe (à télécharger ci-dessous) a été remis à la Commission d’enquête parlementaire sur l’eau).
En Guadeloupe, département français situé dans les Antilles, les coupures d’eau sont quotidiennes, peuvent durer plus d’un mois et frappent l’ensemble de la population. Ce sont ainsi près de 400 000 personnes réparties sur la totalité du territoire qui, toutes générations et tous milieux socio-économiques confondus, se trouvent régulièrement privées d’accès à l’eau potable et à l’assainissement et, par là-même, d’un logement décent. Avec plus d’un tiers de la population guadeloupéenne vivant sous le seuil de pauvreté, les habitants les plus vulnérables paient le plus lourd tribut, y compris les femmes, les enfants, les personnes âgées et les personnes vivant avec un handicap.
Outre les particuliers, les coupures d’eau intempestives affectent l’ensemble des institutions publiques, en particulier les structures de santé et les établissements scolaires. Hôpitaux, cliniques et laboratoires n’ont pas les moyens d’opérer dans le respect des normes d’hygiène minimum en période ordinaire, et encore moins depuis l’apparition du coronavirus dans l’archipel en février 2020. Faute d’eau, la rentrée scolaire 2020 – 2021 s’avère déjà largement compromise, un grand nombre d’établissements (fermant déjà habituellement plusieurs jours par an en raison du manque d’eau) n’ayant pu satisfaire aux conditions sanitaires nécessaires à l’observation des « gestes barrière » contre le coronavirus. Commerces, hôtels, restaurants : les coupures d’eau ont également de graves répercussions sur les entreprises dans tous les secteurs d’activité, en particulier dans le secteur du tourisme, pilier de l’économie locale.
Ces 30 dernières années, les problèmes d’accès à l’eau potable n’ont cessé de s’aggraver en Guadeloupe pour atteindre un seuil intolérable dans les années 2010 et leur paroxysme en 2020 avec l’éclatement de la pandémie de Covid-19. Mal entretenu, mal géré et vétuste, le réseau d’eau est régulièrement coupé : plus de 60 % de l’eau est perdue avant d’arriver au robinet. Conjuguée aux défaillances des systèmes d’assainissement et au scandale de la pollution des sols à la chlordécone, un pesticide extrêmement toxique, la situation est catastrophique pour l’être humain comme pour l’environnement. Lorsque l’eau arrive jusqu’au robinet, sa potabilité n’est pour autant pas garantie : des résidus de chlordécone ont été retrouvés dans de l’eau du robinet dans certaines communes et de la matière fécale a été identifiée dans l’eau du robinet à l’hôpital.
De cette situation découle la violation massive et systématique de multiples droits fondamentaux dont le droit à l’eau potable et à l’assainissement ; le droit à la vie ; le droit à l’intégrité et à la sécurité ; le droit à la dignité ; le droit à la santé ; le droit à l’éducation ; le droit à un logement convenable ; le droit au développement ; et le droit à un environnement sûr, propre, sain et durable. Ces droits sont pourtant garantis par de nombreux instruments nationaux, européens et internationaux ratifiés et promus par la France, tels que – entres autres – la Constitution et le code de l’environnement ; la Charte Sociale Européenne Révisée; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Ce phénomène, qui ne connaît aucune mesure comparable en France continentale, révèle une différence criante de traitement entre l’hexagone et les départements dits d’outre-mer dont la Guadeloupe fait partie, en violation flagrante du principe international de non-discrimination.
La Guadeloupe étant naturellement riche en eau, cette inexcusable conjoncture a pour unique cause la mauvaise gouvernance des opérateurs et des communes. Les autorités locales et nationales, continuellement alertées sur cette situation, ont pris quelques mesures palliatives, sans toutefois parvenir à mettre en place des solutions efficaces, équitables et durables, ni à octroyer réparation aux usagers pour les préjudices subis.
C’est pourquoi à travers la présente soumission d’informations, la société civile guadeloupéenne lance un appel « eau secours » au Défenseur des Droits, l’invite à effectuer une visite de vérification des violations alléguées en Guadeloupe, et le prie de bien vouloir communiquer dans les meilleurs délais aux autorités nationales et locales des recommandations concrètes pour remédier de toute urgence à cette préoccupation majeure devenue un enjeu vital pour la population guadeloupéenne.