Veolia était-il au courant des agissements de sa filiale roumaine, soupçonnée d’avoir versé plusieurs millions d’euros de pots-de-vin pour obtenir les faveurs des autorités locales ? Le parquet national financier a ouvert une enquête en France visant le géant de l’eau. L’enquête, ouverte le 4 novembre 2016, fait suite à une plainte déposée par un salarié de Veolia en France pour « trafic d’influence » et « corruption active et passive ».
Lancée le 4 novembre 2016 et confiée à l’office anticorruption de la police judiciaire (Oclciff), cette enquête fait suite à une plainte déposée par un salarié de Veolia en France et président d’une association anticorruption, Jean-Luc Touly, pour « trafic d’influence » et « corruption active et passive », a appris l’AFP de source proche de l’enquête.
« Veolia n’a connaissance d’aucune procédure », a fait savoir l’entreprise.
« L’écho donné aux allégations d’un de ses salariés, M. Touly, déjà condamné pour diffamation envers l’entreprise et qui n’a de cesse depuis 30 ans d’initier ou de conduire des actions contre celle-ci, est regrettable. Une énième plainte de celui-ci n’est donc en rien une information », a-t-on ajouté.
Le parquet national financier (PNF) n’a pas souhaité faire de commentaires.
Apa Nova Bucarest, filiale roumaine du groupe, chargée de la distribution de l’eau dans la capitale roumaine, est soupçonnée d’avoir versé plus de 12 millions d’euros de pots-de-vin entre 2008 et 2015 en échange de décisions favorables des autorités locales, d’après l’enquête diligentée depuis septembre 2015 par le parquet anticorruption (DNA) roumain.
L’un des contrats lui aurait permis d’obtenir de janvier à avril 2011 « des majorations extraordinaires du tarif de l’eau et de l’évacuation des eaux usées », selon le DNA. Résultat, le chiffre d’affaires de la compagnie était passé d’environ 114 millions d’euros cette année-là à 152 millions en 2012 et son bénéfice net de 19 à 26 millions.
L’affaire avait fait scandale à Bucarest où le prix de l’eau a bondi de 125% entre 2008 et 2015, selon la presse locale.
– Réunions à Paris? –
« Il semble difficile de croire que (la filiale roumaine) serait seule à l’origine de ce schéma corruptif: le groupe Veolia semble être le principal bénéficiaire des augmentations de coûts obtenues frauduleusement », estime M. Touly, également syndicaliste (FO), dans sa plainte dont l’AFP a eu connaissance.
Il fait état de rencontres qui auraient eu lieu à Paris entre des intermédiaires roumains et la direction du groupe en France.
« Le seul fait que le PNF lance des investigations montre bien qu’il considère que des éléments à charge peuvent potentiellement concerner la maison-mère », a réagi l’avocat de M. Touly, Me Joseph Breham.
En Roumanie, outre la filiale, neuf personnes sont poursuivies dont deux Français: l’ancien directeur de la filiale roumaine, Bruno Roche, et son successeur Laurent Lalagüe.
L’ancien trésorier du parti national libéral roumain Vlad Moisescu, un ex-conseiller du maire de Bucarest Costin Berevoianu, un homme d’affaires roumain Ovidiu Semenescu, tous trois soupçonnés d’avoir joué les intermédiaires sont également mis en examen, ainsi que quatre cadres roumains de la compagnie.
Laurent Lalagüe est aussi suspecté d’avoir perçu « au moins un million d’euros » en échange de contrats octroyés par Apa Nova à une société roumaine, d’après le DNA.
La justice roumaine a élargi son enquête sur Apa Nova à des faits présumés d’évasion fiscale. Le préjudice subi par l’Etat roumain s’élèverait à au moins 5,5 millions d’euros en ce qui concerne l’impôt sur le bénéfice et la TVA, et à 17,3 millions pour le blanchiment.
Apa Nova, dont 73% des actions sont détenues par Veolia, a signé en 2000 deux contrats de concession sur l’approvisionnement en eau de Bucarest et de Ploiesti (sud) pour une période de 25 ans.