Le temps est venu de sanctionner les autorités organisatrices des services d’eau et d’assainissement pour les délits de fuite d’eau dans les réseaux. Mais les usagers ne doivent pas être les payeurs.
L’année 2014 devrait voir la mise en œuvre du doublement de la redevance à payer aux agences de l’eau, en cas de rendement des réseaux de distribution de l’eau potable inférieur à 85%.
Des interventions fermes et multiples des usagers, pour obtenir et contrôler les déclarations des exploitants, et veiller à ce que les pénalités dues ne soient pas répercutées sur les factures seraient bienvenues.
Pour appuyer cette proposition, voici :
* un commentaire de ce qu’apporte la législation à compter de cette année (à la suite)
* les textes réglementaires de références >>> ici
* 3 exemples de courriers de demande de communication de documents : l’un au délégataire >> ici, l’autre à l’autorité territoriale en charge de la compétence eau potable >> ici, le 3ème à l’AESN >> là (garder trace de ces envois pour saisir la CADA en cas de non-réponse ou refus de réponse).
La réglementation invite les autorités organisatrices des services d’eau et d’assainissement à une gestion patrimoniale des réseaux, en vue notamment de limiter les pertes d’eau dans les réseaux de distribution et le gaspillage.
À cette fin elle les oblige, dès cette année 2014, d’une part à réaliser et mettre à jour annuellement un descriptif détaillé des réseaux, d’autre part à établir un plan d’actions comprenant, s’il y a lieu – c’est-à-dire, si les pertes d’eau dans les réseaux de distribution dépassent des seuils fixés – un programme pluriannuel de travaux d’amélioration du réseau.
Des pénalités financières sont prévues en cas de non-respect de ces obligations.
Le taux de la redevance pour l’usage d’alimentation en eau potable est ainsi multiplié par deux lorsque le descriptif ou le plan d’actions visé à l’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) n’a pas été établi dans les délais prescrits. Cette majoration prend effet à partir de l’année suivant le constat de cette carence.
La loi permet aussi d’exiger des collectivités et agglomérations la copie des déclarations obligatoires qu’elles effectuent auprès de leur agence de l’eau pour le calcul de leur redevance. Cette obligation résulte de la loi du 12 juillet 2010 (Grenelle 2 de l’environnement), complétée d’un décret il y a 20 mois. Les exploitants et collectivités ont largement eu le temps de s’y préparer et ne peuvent pas plaider la surprise. Et pourtant, rares, trop rares sont ceux qui se sont acquittés de cette obligation.
Cette difficulté à obtenir un inventaire et les résultats du réseau de distribution d’eau potable est la démonstration de l’opacité et des défaillances de la gestion déléguée, tout simplement incapable de fournir des données fiables sur un réseau qu’elle gère pourtant depuis des décennies.
Une fois de plus, les délégataires pratiquent la guerre d’usure pour s’exonérer de leurs responsabilités : leurs tergiversations, leur retard pour fournir les informations prévues, découragent les exigences de transparence des usagers. Ils permettent aux multinationales de gagner du temps, de repousser à toujours plus tard l’impératif de réparation coûteuse de leurs tuyaux percés.
Pas question pour autant de les laisser gaspiller tranquille l’eau potable, notre bien commun. Nous devons exiger copie des déclarations des exploitants envoyées à l’agence de l’eau, et communication du montant des majorations de redevance dues au fait de non déclaration ou d’une déclaration d’un taux de rendement inférieur à 85 % (la grande majorité, puisque le taux moyen en France est de 75%). Nous devons aussi refuser que la majoration de la redevance sanctionnant les carences du délégataire soit répercutée sur la facture des usagers. Tout cela est à l’ordre du jour, partout.
Si nos collectivités se font tirer l’oreille pour fournir les documents réclamés, sans les absoudre pour ces manquements, un recours existe : interpeller l’agence de l’eau Seine-Normandie, collectrice des déclarations et redevances de ces mêmes collectivités. Echangeons nos démarches et résultats pour les obtenir !
Résumé des textes désormais applicables :
Une majoration du taux de la redevance pour l’usage « alimentation en eau potable » est appliquée si le plan d’actions mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales n’est pas établi dans les délais prescrits au V de l’article L. 213-10-9, lorsque le rendement du réseau de distribution d’eau, calculé pour l’année précédente ou, en cas de variations importantes des ventes d’eau, sur les trois dernières années, et exprimé en pour cent, est inférieur à 85 %.
Ce plan d’actions inclut :
– un suivi annuel du rendement des réseaux de distribution d’eau, tenant compte des livraisons d’eau de l’année au titre de laquelle un taux de pertes en eau supérieur à la valeur mentionnée à l’alinéa précédent a été constaté. En application du plan d’actions, le descriptif détaillé des ouvrages de transport et de distribution d’eau potable défini à l’article D. 2224-5-1 du code général des collectivités territoriales est mis à jour en indiquant les secteurs ayant fait l’objet de recherches de pertes d’eau par des réseaux de distribution ainsi que les réparations effectuées.
– le descriptif détaillé des ouvrages de collecte et de transport des eaux usées mentionné à l’article L. 2224-8 incluent, d’une part, le plan des réseaux mentionnant la localisation des dispositifs généraux de mesures, d’autre part, un inventaire des réseaux comprenant la mention des linéaires de canalisations, la mention de l’année ou, à défaut de la période de pose, la catégorie de l’ouvrage définie en application de l’article R. 554-2 du code de l’environnement, la précision des informations cartographiques définie en application du V de l’article R. 554-23 du même code ainsi que les informations disponibles sur les matériaux utilisés et les diamètres des canalisations.
Le descriptif visé à l’alinéa précédent devait être établi avant la fin de l’année 2013. Il est ensuite mis à jour selon une périodicité fixée par décret afin de prendre en compte l’évolution du taux de perte visé à l’alinéa précédent ainsi que les travaux réalisés sur ces ouvrages.
La non-réalisation de ce descriptif détaillé des réseaux d’eau potable, a pour conséquence la même pénalité financière que celle appliquée en cas de non-respect du rendement seuil.
Quelles informations doit comprendre ce descriptif ?
La principale difficulté réside dans la recherche, la collecte et la structuration des informations. A ce stade, le recours à un bureau d’études n’est pas indispensable.
La philosophie même du décret est d’encourager une mise à niveau minimale des connaissances patrimoniales des collectivités.
Cette étape est à considérer comme le tout premier pas d’une démarche à long terme d’amélioration de la performance des systèmes d’alimentation en eau potable.
Par ailleurs, un inventaire du patrimoine est un préambule à la réalisation d’un diagnostic du fonctionnement du réseau. Ce diagnostic est lui-même un préliminaire nécessaire à l’établissement d’un plan.
L’inventaire du patrimoine ne nécessite pas forcement une étude spécifique. La connaissance du réseau passe avant tout par les points suivants :
– compiler l’ensemble des plans de récolement du réseau sur un même document,
– rechercher des informations dans les dossiers de projets, les décomptes de travaux, les archives communales, etc.,
– faire appel à la mémoire humaine : comptable public, voisinage, anciens fontainiers, élus, délégataires, bureaux d’études, administration, etc.,
– profiter des interventions sur le réseau pour compléter sa connaissance.
– Le cas échéant, lorsque l’information devient nécessaire, des sondages peuvent alors être organisés.
– Dans tous les cas, la traçabilité sur la précision ou la provenance d’une information est tout aussi importante que l’information elle-même.
– Ainsi, le modèle d’inventaire que nous proposons en accompagnement de ce guide permet de renseigner l’origine et le niveau de précision des informations collectées.
Tout exploitant avait l’obligation de déclarer à l’Agence de l’eau Seine-Normandie, avant le 1er avril, les volumes d’eau prélevés l’année précédente.
Tous les formulaires et guides nécessaires ont été mis gratuitement à disposition des collectivités dès 2013 pour répondre en 2014 à ces nouvelles obligations de transparence.
Le silence entretenu sur le contenu des déclarations faites depuis 6 mois à l’agence est un aveu implicite de leur caractère très gênant pour les exploitant : Il faut les obtenir !