Le contrat d’affermage qui lie la commune à Kyrnolia s’achève en 2016. Une échéance qui pose la question de l’avenir de la gestion de l’eau. Régie publique ou délégation… Les candidats se positionnent
L’eau c’est la vie ! Au même titre que l’air. Des biens communs à l’humanité… Si l’air n’est pour l’heure pas encore devenu une valeur marchande, l’eau, elle, gérée selon les règles du marché par des grands groupes privés, fait l’objet de toutes les spéculations. L’or bleu est devenu source de convoitises. L’enjeu est de taille…
Depuis la Révolution française, la gestion de l’eau est de la responsabilité des collectivités. Si certaines ont fait le choix de la régie municipale ou intercommunale, assumant ainsi directement la gestion de leurs services d’eau, d’autres ont préféré déléguer cette gestion à une entreprise spécialisée.
Porto-Vecchio est de celles-là. Les services publics de l’eau et de l’assainissement de la commune sont gérés dans le cadre d’un contrat d’affermage confié à la Société des Eaux de Corse (nouvelle appellation de la CMESE et de Kyrnolia- filiale de Veolia).
Dans ce cas de figure, la collectivité décide et finance les investissements et reste propriétaire des équipements, tandis que le fermier exploite et entretient les infrastructures.
Des mesures pour faire baisser le prix
Porto-Vecchio est ainsi liée par contrat depuis le 10 décembre 1981 avec le même exploitant. Contrat, reconduit en 1989. Les contrats actuels, toujours avec le même fermier, ont été conclus le 1er janvier 1991 et prendront fin en juin 2016. La relation avec le même délégataire sera donc de 34 ans et demi à l’échéance des deux contrats successifs.
La prise en charge par Kyrnolia d’importants travaux explique en partie la prolongation de ce contrat en dépit des effets de mise en concurrence et au détriment de l’usager qui, aujourd’hui, paye le prix fort. C’est la chambre régionale des comptes qui le dit : le prix de l’eau assainie à Porto-Vecchio est « élevé ».
Il était de 4,72 euros le m3 en 2012 (calculé sur une consommation de 120 m3). Il est aujourd’hui de 4,99 euros le m3 pour une moyenne nationale de 3,91 euros/m3 constaté au 1er janvier 2013 (observatoire national des services d’eau et d’assainissement). Voilà pour les chiffres.
Si la municipalité concède le prix excessif de l’eau, elle explique ce coût élevé par les caractéristiques particulières de la commune, composée de 32 hameaux et dont la longueur des réseaux atteint 302 km pour l’eau et 91 km pour l’assainissement. Sans oublier l’effet de la saisonnalité. Des actions ont été mises en place par le conseil municipal afin de provoquer «un nouvel équilibre» entre les socioprofessionnels et les foyers domestiques.
« Ce rééquilibrage social avec une baisse significative du prix de l’eau sur la durée du mandat s’est concrétisé par l’adoption de deux délibérations, en 2010, qui a favorisé les petits usagers et en 2013, avec des choix tarifaires en faveur de la grande majorité des consommateurs, avec une charge plus importante des socioprofessionnels bénéficiaires des équipements rendus coûteux par la saisonnalité et le dimensionnement des réseaux », explique le maire Georges Mela. 69,3 % des abonnés, ont ainsi bénéficié d’une baisse de 25 % sur le prix de l’eau non assainie et de 6 % sur l’eau assainie.
Le maire précise par ailleurs qu’ « entre 2008 et 2013, les réseaux de distribution ont fait l’objet de nombreux travaux de réhabilitation et d’amélioration à hauteur 7,6 millions d’euros ».
Les « dérives » d’une gestion
Pas suffisant pour U Riacquistu di Portivechju qui a dénoncé fermement à plusieurs reprises les « dérives » de la gestion de l’eau, pointant du doigt l’ennemi n° 1 : Veolia.« L’eau appartient au peuple. Cette multinationale engrange d’importants bénéfices sur le dos des Porto-Vecchiais ». Les nationalistes estiment par ailleurs que « les Porto-Vecchiais paient très cher pour financer des installations destinées aux résidences secondaires ! ».
Michel Giraschi, leur candidat déclaré, dénonce également certaines clauses du contrat entre la commune et l’exploitant : « Quand il y a une panne, Kyrnolia se décharge de toute responsabilité en disant qu’il ne s’agit pas de restauration mais d’entretien à la charge de la commune ».
Quant au groupe Portivechju Altrimenti , il dresse également un constat accablant et estime que la commune, qui doit être le donneur d’ordre, se laisse dicter les règles du jeu par le fermier. « Une commission thématique a planché sur le sujet durant de nombreux mois, pour aboutir à un double constat : d’une part, le coût de l’eau et de l’assainissement demeure anormalement élevé pour le contribuable, et la longueur du réseau, pas plus que les variations de population en été ne peuvent suffire à expliquer ce phénomène. D’autre part, la commune délaisse ses prérogatives, au prétexte que Kyrnolia seule doit assurer la qualité des prestations fournies. Les pertes sur le réseau (autour de 900 000 m3 par an) et surtout l’ampleur des investissements à réaliser (de 20 à 25 millions d’euros sur les estimations les plus courantes) sont, parmi d’autres, des tendances lourdes, qui vont contribuer à dicter le choix qui sera arrêté en 2016 »,explique le candidat d’Altrimenti, Jean-Christophe Angelini.
Le contrat qui lie la commune au délégataire prendra fin en juin 2016. Les municipales devront faire avancer le débat sur la question de la gestion de l’eau. Et les usagers y seront à coup sûr particulièrement attentifs.
Publié sur Corse Matin, vendredi 24 janvier.
De part sa position géographique, Porto Vecchio est effectivement une commune difficile à approvisionner. Cependant, ce n’est pas la seule commune à être dans ce cas, et rien n’explique une telle augmentation des prix !!