Touraine: toujours le bras de fer

La gestion de l’eau potable reste un défi quotidien entre augmentation de la consommation, bras de fer public-privé, pollutions, fusion des petits syndicats. Dossier publié par la Nouvelle République le 18/02/2019.

C’est si simple d’ouvrir le robinet. Derrière ce geste dont on abuse trop souvent, l’enjeu est énorme, en dizaines de millions de m3 consommés et euros dépensés chaque année en Touraine. La polémique qui agite actuellement le nord-ouest tourangeau (lire ci-contre) n’est qu’une goutte dans l’océan des pressions et tensions sur le sujet.
Consommation. L’Indre-et-Loire n’échappe pas à la croissance de sa population, de + 0,5 % par an. Le prélèvement en eau est en moyenne de 49 m3 par an, par habitant. A ce rythme, les besoins augmentent vite (+ 15 % en dix ans). Pourtant, il faut réduire les prélèvements sur la nappe du cénomanien entre Tours et Amboise, et les stabiliser ailleurs.
Environnement. Les captages présentent des problèmes de qualité même si, globalement, l’eau prélevée localement est bonne. L’activité humaine (nitrates, pesticides…) et la nature de la ressource ont une influence primordiale. Les captages à problème identifiés représentaient encore près de 25 % du potentiel de production départemental il y a quelques années (environ 14 millions de m3).
Privé-public. Les onze nouveaux territoires en place depuis deux ans auront tous l’eau et l’assainissement comme compétence obligatoire avant 2020. Le bras de fer entre les deux formules, régie publique ou société privée (les plus connues sont Saur, Veolia, Suez), reste d’actualité. Des défenseurs du public disent : « L’entreprise privée se nourrit en cassant du trottoir et en posant des tuyaux. » Côté privé, on défend « la qualité, les moyens à grande échelle et la pérennité du service rendu. » L’association Eau Savigné-Hommes, en conflit sur son territoire contre l’arrivée programmée du privé, rappelle : « L’eau potable est un bien commun, et non une marchandise. La régie est un moyen de gestion garant de ces services eau et assainissement. Il y a une clarté, une qualité et une réactivité que n’a pas le privé, et c’est moins cher. » Même chez les élus locaux, il y a toujours deux « écoles » pour cette gestion de l’eau, au-delà des courants politiques. Les usagers quant à eux se préoccupent de leur facture eau qui s’alourdit.

Polémique

La polémique qui agite le nord-ouest tourangeau (Langeaisien, Bourgueillois, Castelvalérie) est l’illustration des énormes tensions qui accompagnent les transferts de compétences eau potable et assainissement au sein des nouveaux territoires. Le président de l’association Eau assainissement publics Nord-Ouest Touraine (Savigné-sur-Lathan-Hommes), Emmanuel Bouchenard, est en conflit ouvert avec le président de la communauté de communes Touraine Ouest Val de Loire, Xavier Dupont. La communauté (28 communes) se prépare à cette compétence collective eau et assainissement, et y travaille : état des réseaux, analyse budgétaire, comparatif des prix, « transparence » sur les choix à faire entre privé et public (régie). De son côté, l’association (opposée au système privé) prévoit une multiplication par trois des tarifs de l’eau (ce que conteste la communauté de communes) et demande une contre-expertise. Le territoire se donne « peut-être jusqu’en 2029 » pour harmoniser sa politique de l’eau et avoir « une gestion unifiée » sur le sujet.

« Une tradition de réseaux en Touraine »

Daniel Chany, ex-élu à Joué-lès-Tours, s’est spécialisé dans les questions d’eau en Indre-et-Loire. Daniel Chany, ex-élu à Joué-lès-Tours, s’est spécialisé dans les questions d’eau en Indre-et-Loire.

Daniel Chany rappelle le lien entre la Touraine et son eau potable : « Le département a une vraie tradition de réseaux d’eau, contrairement à d’autres, comme la Vienne, notre voisin. Chaque commune a fait son puits, son adduction d’eau, son château d’eau, ses canalisations. Tout est lié à la géologie du territoire. L’eau, on peut la puiser à 10 m, 40 m, jusqu’à 200 m. C’est devenu une tradition. Ainsi, tout essai d’organisation collective dans ce domaine a échoué. Et nous sommes toujours dans l’éternelle bagarre entre le public et le privé, les régies et les grands groupes, les tarifs des régies étaient plus faibles que ceux des groupes privés ». Il ajoute : « Si on se laisse aller avec le privé, c’est la porte ouverte à tout. » Daniel Chany fait ce constat : sur les près de 300 syndicats et services d’eau et assainissement d’Indre-et-Loire, la plupart vont disparaître. En effet, avec la fusion des territoires (11 collectivités aujourd’hui au lieu de 22 auparavant), on va vers la disparition de nombreux petits syndicats communaux ou intercommunaux, loi NOTre oblige. Daniel Chany précise : « Un jour, il ne restera plus qu’une autorité sur l’eau par territoire », à plus ou moins long terme. Et il prévoit « une harmonisation des prix et tarifs », même s’il préfère au tarif unique et uniforme « un système d’entraides pour les familles les plus modestes ». Il cite comme exemple le val de l’Indre, « qui va dans le bon sens » en travaillant sur un captage. « Il faut faire de l’agriculture bio, sans pesticides ni engrais, dans tous les bassins, sur toutes les aires de captage » pour éviter les pollutions directes des sources et nappes souterraines, insiste Daniel Chany.

70 millions de m3 prélevés par an dans le département

Lors d’une réunion sur l’eau potable à Convergence services publics 37, à Tours, pour soutenir le président de l’association Eau assainissement publics Nord-Ouest Touraine.
Lors d’une réunion sur l’eau potable à Convergence services publics 37, à Tours, pour soutenir le président de l’association Eau assainissement publics Nord-Ouest Touraine.
© Photo NR

L’eau potable en chiffres en Indre-et-Loire.
> Récemment, il y avait encore 112 services d’eau potable, 218 ouvrages, 168 services d’assainissement.
> Il y a environ 70 millions de m3 d’eau prélevés déclarés par an en Indre-et-Loire, dont 40 millions pour l’eau potable, 21 millions pour l’irrigation (mais tout n’est pas déclaré), 5 millions pour l’industrie.
> 258.000 abonnés tourangeaux, à qui on vend 32 millions de m3 d’eau potable (et non 40 millions, car il y a de 20 à 25 % de pertes en fuites, lavage de canalisations et équipements). Le territoire de la Métropole consomme la moitié de ces 32 millions.

2 réflexions sur « Touraine: toujours le bras de fer »

  1. Courage ++++ à vous .
    Ça ne fait que commencer cette prise de conscience ! BRAVO !
    TOUS NOS SOUTIENS !

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