La Ville de Caen et son agglomération ont annoncé la rupture de leur contrat avec le gestionnaire des eaux Veolia, le 31 décembre 2016. Une décision qui fait débat
Le mardi 13 janvier 2015, le Conseil communautaire de l’Agglomération de Caen (Caen la Mer) a statué : l’Agglomération mettra un terme, le 31 décembre 2016, à son contrat, dont l’échéance était initialement prévue en 2022. Le lundi 26 janvier 2015, le Conseil municipal de la ville se réunira pour statuer également sur l’arrêt de son contrat avec Veolia, au 31 décembre 2016.
Le PCF et le PS souhaitent une régie directe
Contactée par Normandie-actu, Marie-Jeanne Gobert, conseillère PCF et vice-présidente du Conseil régional de Basse-Normandie, considère l’eau comme un « droit fondamental » :
Nous avons un principe essentiel qui est partagé par d’autres élus : l’accès à l’eau est un droit fondamental qui doit absolument être respecté. C’est pourquoi, avec leParti Socialiste, nous souhaitons un retour en régie directe de l’eau. C’est un sujet sur lequel nous devons travailler très sérieusement.
Selon la conseillère, « en 2012, 1 495 dossiers d’usagers ayant des difficultés à régler leur facture d’eau ont été traités. En 2009, on en dénombrait seulement 240 ! » Une somme qui représentait 140 000 euros en 2012, contre 97 000 en 2009. Marie-Jeanne Gobert s’interroge également sur les emplois et le devenir des salariés :
Nous souhaitons qu’il y ait un accompagnement important des salariés qui dépendent de la Ville et qui travaillent actuellement dans la gestion de l’eau auprès de Veolia. Nous serons très vigilants.
Concernant les coûts de l’eau, la conseillère révèle ne pas savoir si la facture à payer par les usagers sera plus ou moins élevée après un passage en régie directe : « Nos efforts seront concentrés aussi sur la maîtrise des prix. Actuellement, Caen fait partie des 15 villes de sa taille dont l’eau est la moins chère, nous espérons que cela restera ainsi ».
Les Verts veulent clore le contrat dès février
Rudy L’Orphelin, conseiller municipal Europe Écologie-Les Verts et ancien maire adjoint, a un autre avis sur la question : clore le contrat entre l’Agglomération de Caen et Véolia au 31 décembre 2016, est une erreur, « il faudrait clore le contrat dès maintenant », insiste-t-il, sur Normandie-actu :
Lors de la signature du contrat avec Veolia, Caen s’est vu verser 30 millions d’euros (Ndlr : montant du droit d’entrée). Une somme qui aurait permis de financer le Zénithde Caen et le Stade d’Ornano (…) Selon le rapport du Directeur général des finances publiques de 2013, le droit d’entrée a déjà été remboursé grâce aux paiements annuels des usagers depuis plus de 20 ans. Ce que nie Joël Bruneau, maire UMP de Caen et président de l’Agglomération Caen la Mer ».
Face à ces affirmations, le vice-président de Caen la Mer, Jean-Marie Guillemin (également maire de Colombelles, près de Caen), affiche son interrogation : « Je ne sais pas d’où proviennent les données d’Europe Écologie-Les Verts. Caen la Mer a fait appel à un bureau d’études pour évaluer la date exacte à laquelle Caen aurait remboursé son droit d’entrée. Celle-ci a été fixée en date du 31 décembre 2016. C’est pourquoi nous sommes tombés d’accord sur cette date pour rompre notre contrat avec Veolia en Conseil communautaire. Nous ne manipulons apparemment pas les mêmes données qu’Europe Écologie-Les Verts », ironise-t-il. La conseillère PCF, Marie-Jeanne Gobert, s’étonne également de la position prise par les Verts :
Toutes les études montrent que Veolia ne s’est pas enrichi sur le dos des usagers, ni de la collectivité. Aujourd’hui, à Caen, le coût de l’eau reste dans des “prix maîtrisés”.
« Défense des usagers et de l’emploi »
Caen la Mer et Europe Écologie-Les Verts tombent d’accord sur un point : la fin du contrat avec Veolia permettra de réaliser des économies. Si le vice-président de l’Agglomération ne se prononce pas sur le futur mode de gestion de l’eau, celui-ci estime que la rupture du contrat avec Veolia est la meilleure initiative économique à prendre : « Ce contrat a été signé il y a plus de 20 ans et ne répond plus aux attentes des usagers », assure Jean-Marie Guillemin. Pour le conseiller municipal, Rudy L’Orphelin, « par principe, l’eau est un bien qui doit échapper aux intérêts privés et qui doit passer en mode de gestion publique ». La régie directe est donc, selon Rudy L’Orphelin, le mode de gestion le plus adéquat pour la Ville. Concernant les salariés de la ville de Caen et de son agglomération, employés jusqu’alors par Veolia, Jean-Marie Guillemin se veut clair :
Le personnel détaché de la Ville de Caen travaillant pour Veolia sera réintégré par la Ville, et ce, quel que soit le mode de gestion de demain (ndlr : Délégation de service public ou gestion directe par la Ville).
Les prix et gestions à Rouen et au Havre ?
Selon les données rapportées par l’association Inform’Action, en Normandie, Le Havre (Seine-Maritime), qui gère l’eau en régie directe (par le biais de la communauté d’agglomération, la Codah), affiche l’un des prix les plus élevés de France dans la catégorie des villes « de plus de 100 000 habitants ». Son prix ? 4,33 euros par m3. Caen et Rouen (Seine-Maritime)appartiennent à la catégorie des villes dont le prix est considéré comme « maîtrisé » (toujours pour les villes de plus 100 000 habitants). En d’autres termes, elles sont sont répertoriées dans les 15 villes les moins chères de France. Caen proposant le m3 à 3,30 euros et Rouen (en régie directe également) à 3,17 euros.
Mais être desservi par une régie publique ne garantit pas automatiquement un prix optimisé. Nos deux tableaux le démontrent aussi, et certaines communes en régie, comme Le Havre, feraient bien de s’interroger sur leur mode de gestion », met en perspective le site d’Inform’Action.
À Caen, le contrat avec Veolia prendra donc fin, pour Caen la Mer (sous contrat pour la gestion d’assainissement des eaux), le 31 décembre 2016. Une décision unilatérale qui n’a pas été prise en concertation avec Veolia. À cette même date, la Ville de Caen (sous contrat pour l’eau potable ) et le Syndicat intercommunal (sous contrat pour la production de l’eau ) mettront également un terme à leur contrat respectif.
Article publié dans Paris Normandie du 22 janvier 2015