L’Est Républicain du 6 janvier 2015
« Le président Bonnot a eu l’art de faire voter une décision incroyable en agitant la peur d’avoir 95 M€ de dédommagement à payer. » L’association des usagers de l’eau (AUE), qui dénonce la prolongation par PMA de la délégation à Veolia, s’apprête à porter plainte contre l’illégalité du contrat et donc du prix de l’eau.
Il est tout colère, Jean-Jacques Carillon, président de l’association des usagers de l’eau (AUE, anagramme du mot eau) du pays de Montbéliard. Son ire est motivée par la récente décision de Marcel Bonnot, président de l’Agglo, de prolonger jusqu’en 2022 la délégation du réseau d’eau et d‘assainissement accordée à Veolia. Décision que sa majorité a validée lors de la dernière réunion du conseil communautaire, le 12 décembre dernier ( notre édition du 13 décembre ).
Or, pour l’association, rien ne justifie une telle décision. « Le contrat devient caduc sans pénalité au bout de vingt ans d’après l’arrêt Commune d’Olivet », martèle le président de l’AUE. L’exécutif de PMA motive au contraire sa décision par son souci d’échapper à la facture de 95 M€ que Veolia avait l’intention de faire payer à Pays de Montbéliard Agglomération en dédommagement du préjudice subi en cas de rupture du contrat. « Cette pénalité est une pure arnaque, qui ne repose sur aucune réalité », s‘insurge Jean-Jacques Carillon. Veolia, délégataire reconduit, a décidé d’effacer la note et de prendre à sa charge 12,8 m€ des 38 M€ HT de travaux à réaliser sur le réseau.
« Principe de base : la gratuité de l’eau »
On se souvient en effet que PMA avait unilatéralement décidé du retour de l’eau en régie. C’était lors de la réunion du 15 novembre 2013, sous la présidence du socialiste Jacques Hélias. Le retour devait être effectif en février 2015. Demain donc… Cette décision faisait suite à une autre délibération qui avait déjà fait grand bruit, en 2011, quand PMA avait baissé le prix du mètre-cube d’eau de 23 centimes d’euros, conformément aux doléances des usagers de l’eau en guerre contre le prix de ce précieux liquide qu’ils jugent exorbitant. « Pour nous, le principe de base, c’est la gratuité de l’eau qui est une donnée universelle », rappelle Jean-Jacques Carillon. Aussi, le geste de Veolia qui, récemment, a non seulement avalisé la baisse de 2011 qui lui était restée en travers des tuyaux, mais l’a même amplifiée de 10 cts supplémentaires, pour la porter à 33 cts d’euro le m³ – qui depuis le 1er janvier affiche donc théoriquement le prix de 3,54 cts –, laisse l’AUE de marbre. « Tu parles ! Veolia baisse un peu d’un côté pour ramasser beaucoup de l’autre », commente Jean-Jacques Carillon, qui ne se lasse pas de dénoncer « le doublement du prix de l’eau en 20 ans ! »
« On n’a pas voulu que Moscovici trinque »
L’association est sûre de son coup. En 2004 déjà, elle avait saisi le tribunal administratif de Besançon. « On a retiré notre plainte au dernier moment car elle était instruite contre PMA et on n’a pas voulu que Pierre Moscovici, qui en était alors le président, trinque dans une affaire dont il n’avait fait qu’hériter », soutient Jean-Jacques Carillon. Aujourd’hui, la donne est différente et, forte du soutien d’usagers qui signent sa pétition diffusée à 30.000 exemplaires, l’AUE affûte le dossier qu’elle déposera, au printemps, devant la juridiction civile cette fois, vu qu’elle ne peut plus saisir le TA. « Partout où l’eau est revenue en régie, son prix a baissé de 30 %, voire 40 %. On ne va pas se contenter des quelques centimes de baisse que consent Veolia pour conserver ce marché juteux », argumente Jean-Jacques Carillon.
Êtes-vous toujours aussi virulent, aujourd’hui, que le soir de la réunion du conseil communautaire qui a voté la prolongation jusqu’en 2022 de la délégation de Veolia ?
Absolument ! J’ai immédiatement montré mon opposition et la trêve des confiseurs n’a pas modifié ma position, bien au contraire !
Peut-on dire que le président Bonnot a été un habile manœuvrier ?
En tout cas, il a eu l’art de faire voter une décision incroyable en agitant devant les élus la peur d’avoir 95 M€ de dédommagement à payer à Veolia. Il s’agit là d’une stratégie du président destinée à faire passer une pilule amère.
Oui, mais assortie de compensations tout de même.
Si vous voulez parler de la baisse de dix centimes du prix du mètre-cube d’eau, c’est à mes yeux davantage une provocation qu’une compensation.
Avez-vous eu des assurances sur le sort des dix-neuf emplois menacés chez Veolia ?
Vous touchez là un sujet sensible : je trouve absolument aberrant que l’exécutif n’ait pas inscrit dans les conditions la reprise des dix-neuf salariés de Veolia, mais qu’il se soit contenté d’un simple courrier dans lequel il ne dit qu’une chose finalement : on verra… Moi, et je l’ai dit ce soir-là, s’ils n’étaient pas repris, je trouverais ça dégueulasse !