Depuis les années soixante la Société des eaux de Marseille (SEM) devenue en 2014 Société des eaux de Marseille Métropole (SEMM), aujourd’hui filiale de Veolia, a construit un empire, en France et à l’étranger, à l’ombre de la Bonne Mère. Sa gestion rattrape aujourd’hui la candidate (LR) à la mairie de Marseille. Par Michèle Poncet Ramade, Présidente de l’association SOS Eau et Nature en région marseillaise.
« En 2012 la Communauté Urbaine de Marseille (CUM), ancêtre de Marseille Provence Métropole (MPM), doit choisir un nouveau mode de gestion, à l’expiration du contrat de la gestion de l’eau avec la SEM, datant de 1992.
Martine Vassal est alors depuis des années trésorière du Conseil Mondial de l’Eau, l’instrument de lobbying des multinationales françaises du secteur dirigé par Loïc Fauchon, président de la SEM, qui organisera en mai 2012 un Forum mondial de l’eau au parc Chanot.
C’est toujours elle qui va présider l’ACER, une commission « écoresponsable » chargée de l’eau et de l’assainissement, et du recyclage des déchets, créée par la Communauté urbaine de Marseille, qui va préparer le choix du futur mode de gestion de l’eau.
Ce conflit d’intérêt manifeste aurait dû, à lui seul, invalider la signature du contrat.
Le nouveau contrat de l’eau, accordé à la SEM par MPM, est signé en 2013.
Un contrat évalué à 2,25 milliards d’euros sur quinze ans.
Après avoir lu et étudié ce contrat, un recours est déposé par quelques élus d’EELV en décembre 2013. Il met notamment en cause le rachat injustifié à la SEM à la fin de l’ancien contrat, du parc de compteurs d’eau, initialement évalué à 2,8 millions d’euros.
Une copie de ce recours est adressée au préfet. Celui-ci saisit la Chambre régionale des comptes (CRC), qui stigmatise de nombreuses anomalies dans un rapport rendu public en avril 2014, après les municipales.
La CRC critiquait vertement les conditions d’attribution du contrat, estimant que Marseille Provence Métropole n’avait procédé à « aucun débat » sur la durée des contrats qu’elle jugeait « manifestement excessive ».
Le Tribunal administratif (TA) donne raison aux requérants en juin 2017 et condamne la communauté urbaine (aujourd’hui Métropole), dans l’affaire des compteurs. La SEMM fait appel de cette décision.
La Cour d’Appel Administrative (CAA) de Marseille a ensuite – bien opportunément -, cassé le 4 février 2020 le premier jugement favorable aux usagers pour un motif de pure forme : Marseille Provence Métropole avait entre temps annulé en 2015 la première délibération de 2013 relative aux compteurs, remplacée par une seconde délibération en 2015, qui ramenait le coût de la reprise des compteurs de 2,8 millions d’euros à 2,1 millions…
La CAA ne s’est donc pas prononcée sur le fond de l’affaire des compteurs. Les usagers, comme l’avait établi le premier jugement du TA, avaient bel et bien raison.
Les compteurs devaient faire retour gratuitement à la collectivité. Et ce n’est que par un argument bien artificiel, de forme, que les usagers ont perdu en appel.
Dommage car leur argumentaire ne pourra pas, au terme de ce véritable tour de passe-passe faire jurisprudence.
Le Parquet avait ouvert une information le lendemain du jugement du Tribunal administratif. Martine Vassal, présidente du Conseil départemental et Loïc Fauchon, P-DG de la SEMM, étaient placés en garde à vue le 22 juin 2017.
Leurs bureaux et domiciles, ainsi que le siège de la SEMM, et le bureau de la Direction générale des services (DGS) de la Communauté urbaine de Marseille, avaient déjà été perquisitionnés en novembre 2015. Jean Claude Gaudin est entendu comme témoin assisté.
L’information ouverte pour favoritisme et prise illégale d’intérêt a depuis été délocalisée au Parquet national financier.
On a découvert depuis lors que la SEM avait engrangé 8 millions d’euros pour… se succéder à elle-même en 2013. Avant d’y ajouter en 2014 et 2015 trois fois plus de bénéfices que ceux, plafonnés pourtant par le contrat, soit 19,1 millions d’euros, au lieu de 6,3 millions…
Ce contrat de l’eau, Martine Vassal n’en parle plus. Il faut pourtant s’en souvenir avant de confier les clés de Marseille à pareille experte du conflit d’intérêt. »
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