A un an des élections municipales, la qualité de l’eau s’invite dans les débats politiques. A Bourges, un collectif s’est constitué pour demander des mesures fortes de protection de l’un des captages d’eau potable. Un débat sur fond de transfert des compétences eau à l’agglomération. Article de Sylvie Luneau dans la gazette des communes.
Comme beaucoup de collectivités, Bourges est confrontée à la pollution de ses captages d’eau potable. Dans le Cher en particulier, un tiers d’entre eux ont dû ainsi être fermés entre 1998 et 2015. Celui de Saint-Ursin, qui représente 16 % de l’alimentation de l’agglomération, est touché par le développement de l’urbanisation. Il se retrouve aujourd’hui inséré dans la ville et se situe dans un endroit très sensible ; à l’aval d’une zone commerciale et d’une ancienne zone militaire.
Le captage qui fait déborder le vase
« Le captage de Saint-Ursin n’est toujours pas protégé, alors que l’obligation de protection date de la loi sur l’eau de 1992. Depuis 30 ans, l’agglomération tergiverse pour ne pas agir, car cette protection impose des restrictions à l’urbanisation et à l’activité commerciale et agricole. Cela heurte les intérêts privés et contraint les communes à des changements de pratiques », explique Irène Félix, élue communautaire d’opposition, membre du collectif (1) qui s’est constitué pour préserver l’eau.
L’exploitation de la nappe superficielle du captage Saint-Ursin a déjà été abandonnée depuis une dizaine d’année pour cause de pollution par des solvants organochlorés d’origine industrielle et par des pesticides d’origine urbaine. Les pompages s’effectuent aujourd’hui dans les nappes plus profondes. « Mais aucune mesure préventive n’est prise pour les protéger et notamment pour éviter que les pollutions de la nappe supérieure s’infiltrent dans la nappe profonde par les forages. En outre, l’eau doit être diluée, car elle présente des teneurs en nitrates de 40 à 50 mg/l, proches des normes maximales admises pour la distribution (50 mg/l) », déclare l’élue.
Des travaux importants d’interconnexions (60 km) ont été réalisés pour diluer la pollution de ce captage et du principal (Le Porche, pollué par des nitrates d’origine agricoles) avec des eaux moins polluées (captage dans la Loire). Cet investissement lourd date de plus de 15 ans.
Un dossier d’enquête publique retoqué
L’agglomération a lancé l’enquête publique, au cours de l’été 2018 pour protéger le captage de St Ursin. Mais le dossier a été jugé « non crédible » et incomplet par le commissaire enquêteur, qui a rendu un avis défavorable à l’automne. Ce dossier reposait, en effet, sur une étude hydrogéologique ancienne, qui ne prenait pas en compte l’évolution de l’urbanisation. Il omettait également la présence d’une ancienne décharge, située sur la commune de Saint-Germain-du-Puy.
Autre point d’achoppement du dossier d’enquête publique : la gestion des eaux pluviales. A ce jour, les eaux pluviales de la zone commerciale sont déversées, sans aucun traitement, directement dans un cours d’eau (le Langis), situé sur la zone du captage de Saint-Ursin.
Pour réaliser la seconde enquête publique, une nouvelle étude hydrogéologique va donc être nécessaire. La déclaration d’utilité publique est envisagée pour 2021, avec des travaux pas avant 2023.
Les associations demandent des mesures d’urgence
« Nous demandons à l’agglomération de ne pas attendre la fin de l’enquête publique pour prendre les mesures d’urgence : une étude sur pollution des organochlorés, l’étanchéité des forages et la mise en place d’un réseau d’eaux pluviales dans la zone commerciale. Depuis des années, la situation est bloquée. Or, l’inaction coûte cher », souligne Irène Félix.
Les communes seules (Bourges et St Germain du Puy) ne peuvent pas en effet financer seules ces travaux (une facture estimée entre 10 à 15 millions d’euros). Pour y remédier, l’agglomération pourrait prendre la compétence eaux pluviales. Pour rappel, cette compétence doit être transférée au 1er janvier 2020 aux communautés d’agglomération.
Eaux pluviales : le transfert de compétence dans le collimateur
Mais le président de l’agglomération Bourges Plus, Pascal Blanc, a déposé le 25 février une motion pour repousser cette date au 1er janvier 2026. A ce jour, cette dérogation est prévue uniquement pour les communautés de communes.
Cependant, une autre solution semble voir le jour. « Les travaux de réseau d’eaux pluviales pourraient s’effectuer sous la compétence communale, mais l’agglomération s’engagerait financièrement aux côtés des communes », déclare Pascal Blanc, qui a formulé cette proposition le 25 février.
En outre, alors que l’ancien PLU n’intégrait pas l’obligation de protection des captages, le nouveau PLUi, qui sera entériné fin 2019, les prendra en compte. « Il sera beaucoup plus stricte pour les nouvelles constructions dans le secteur de Saint-Ursin » affirme le président de Bourges Plus.
Une réflexion sur « Bourges: l’eau entre dans le débat politique »