A Fleury-les-Aubrais plus de 6000 compteurs de radio-relève, tous posés depuis moins de 10 ans, vont à nouveau être changés. Sans parler du coût de l’opération 1,34M€ (223€ par foyer), des effets sur l’environnement, nous assistons à un immense gâchis! Explications détaillées du collectif citoyen pour une gestion municipale de l’eau.
Pour Fleury-les-Aubrais, le changement des compteurs d’eau repose sur « un problème de logiciel ». Plus prosaïquement sur l’impossibilité faite à la commune d’exploiter le système de communication (radio-relève) qui avait été mis en place quand la gestion de son propre réseau était déléguée à la Saur. Autrement dit, Fleury-les-Aubrais reprend le volant mais n’a pas les clefs du camion…
De deux choses l’une : soit la Saur n’a effectivement pas dument rendu les clefs et la commune serait en droit de réclamer qu’elle le fasse (encore faudrait-il qu’elle en ait la volonté politique), soit le
système en place était la propriété de la Saur et la commune aurait dû être vigilante à ce que ce système soit ouvert (c’est à dire
interopérable avec d’autres systèmes, à l’opposé d’un système dit
« propriétaire » c’est-à-dire fermé) pour ne pas oblitérer son
indépendance vis-à-vis du délégataire d’alors.
Mais le problème est plus général. Ce qui me semble important pour
ironiquement « permettre la concurrence libre et non faussée » tant vantée par le néolibéralisme ambiant, c’est la nécessité de définir des interfaces standards à tous les étages de la chaîne du système de
gestion de la distribution de l’eau : depuis les compteurs mécaniques, les capteurs communicants qu’on leur appose, jusqu’au serveurs informatiques. Car si à Fleury-les-Aubrais ce type d’interface standard avait été imposé, la commune n’aurait pas aujourd’hui à réinvestir dans le remplacement des capteurs communicants ni dans celui des compteurs d’eau mécaniques dont malheureusement ils dépendent.
Pire, avec le futur nouveau système, rien ne garanti que d’ici 5 ans les compteurs ou les capteurs seront toujours commercialisés. En cas de panne (et statistiquement il y en aura même plus tôt que ça) faudra-il procéder à un relevé manuel pour ces compteurs défaillants ? Ou bien faudra-t-il prématurément changer tous les compteurs de la commune quand le nombre de défaillances deviendra trop coûteux à gérer au cas par cas ?
Mais le risque de gaspillage peut aussi provenir du système informatique lui-même de par les dépendances qui existent entre matériel informatiques, systèmes d’exploitation et logiciels de traitement des informations (collecte et analyse des consommations, pilotage des châteaux d’eau, détection des fuites, facturation, comptabilité, etc.) jusqu’aux capteurs et aux compteurs d’eau mécaniques eux-même. On le voit aujourd’hui à Fleury-les-Aubrais, l’obsolescence d’une maillon conduit à devoir renouveler toute la chaîne. Or la fameuse « loi » de Moore qu’on applique aux systèmes informatiques laisse entrevoir que
c’est d’abord là que l’obsolescence apparaîtra sur la chaîne, avec les
surcoûts induits et le gaspillage de ressources que ça engendrera.
Dans 5 ans, les serveurs informatiques actuels ne seront plus
commercialisés (et ça c’est sûr) les logiciels actuels ne seront
probablement plus maintenus, il faudra passer aux versions suivantes si elles existent. mais elles ne fonctionneront probablement plus avec l’ancien système d’exploitation… Ainsi, s’il n’y a pas d’interface standard au sein du système d’information, rien que pour le maintenir en l’état suite à la moindre panne matérielle survenue après 5 ans d’exploitation, il faudra se battre pour que la version 2.0 du logiciel de collecte fonctionne avec la nouvelle version du logiciel de facturation le tout sur un nouveau système d’exploitation gérant de nouveaux serveurs informatiques et tout cela devra rester compatible avec ce qui n’aura pas encore été changé…
Et dire qu’on nous vend le système de télé-relève sous prétexte qu’il
sera source d’économies !
Bref, si l’on doit absolument aller dans la direction du « progrès » qu’on nous impose, la définition d’interfaces ouvertes et standards à tous les étages du système d’information (on y inclut les compteurs mécaniques et les capteurs communicants) sera essentielle car elle permettra de remplacer uniquement les maillons défaillants et non toute la chaîne.
Avoir des maillons réparables, de même l’utilisation de logiciels libres serait un gage supplémentaire de réduction du gaspillage des ressources et des coûts d’exploitation. Enfin, ces interfaces si elles existaient, éviteraient à l’avenir qu’un exploitant/délégataire trop gourmand et qui aurait été éconduit par son commanditaire (arf, la concurrence libre et non faussée) rende le camion sans les clefs pour le conduire. Mais même avec tout ça, je ne suis pas sûr que la rentabilité globale du système soit présente par rapport au système de relève et de traitement actuel.
La seule rentabilité qu’on voit clairement par contre est pour les
sociétés privées qui par le biais de la loi NOTRe se substituent aux
régies publiques, imposent un tel système fermé et sous prétexte de
d’obsolescence de tel ou tel maillon, pourront sur-facturer le service
de distribution de l’eau.
Denis Corbin