En 2014 et 2015, la Sem Métropole a dégagé trois fois plus de profits que prévu. La coordination Eau bien public s’interroge, la Sem assure qu’il n’en est rien
Les bénéfices de la Société des eaux de Marseille Métropole (Semm) sont-ils trop élevés ? C’est la question que pose Eau bien collectif (EBC) au regard des « 19,1 millions d’euros (…) de profits, après impôt, de cette société pour cette année et demie d’activité ». Soit « trois fois le montant prévisionnel prévu dans le contrat de délégation de service public qui était plafonné à 6,3 millions d’euros ».
De son côté, l’élu Front de gauche, Christian Pellicani, évoquait lundi, en conseil de Métropole, un « bénéfice net (…) de 14,2 M€ sans compter les charges qui peuvent rémunérer des frais de siège, de sous-traitance… »
Petit retour en arrière : en 2013, la communauté urbaine Marseille Provence Métropole renouvelait sa délégation de service public (DSP) du marché de l’eau potable. Face notamment à Suez, c’est Veolia, à travers sa filiale Société des eaux de Marseille Métropole, qui emportait la mise. Un contrat à 2,25 milliards d’euros sur quinze ans. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, parfois à torrents : outre un recours administratif, la Chambre régionale des comptes a formulé un avis très critique sur cette DSP et le parquet national financier s’intéresse aux conditions de désignation de la Semm, filiale à 99 % de la Société des eaux de Marseille (Sem) qui détenait le marché depuis des décennies.
Du point de vue de la Sem, c’est dans ce montage que résiderait la hausse des profits de la Semm. Selon Jean-Marc Simondi, directeur général adjoint de la Sem en charge de l’exploitation, « en juillet 2014, MPM a exigé que la Sem crée une société dédiée, ce qui a pris du temps. Il y a eu une période transitoire pendant laquelle la Sem a mis en oeuvre la distribution et assuré certains coûts structurels. La mise en place progressive des transferts de personnels – en tout, 460 des 800 salariés de la Sem – s’est d’ailleurs achevée au 1er octobre ».
Une « période de tuilage », comme on dit dans le jargon, inutile selon Bernard Mounier : « Habituellement, on prévoit un temps où l’ancien et le nouveau délégataire travaillent ensemble pour assurer la transition, ce qui entraîne une double rémunération. Or, là, c’est la Sem qui transfère à la Semm : c’est la même entreprise ! »
« Le rapport annuel du délégataire n’est pas porté à la connaissance du public »
La Sem avance pourtant ses calculs : la période transitoire lui aurait coûté « entre 9 et 10 millions d’euros ». Soit la différence entre le bénéfice prévu et celui réalisé par la Semm. Bernard Mounier et la conseillère municipale EELV, Michèle Poncet-Ramade, aimeraient bien vouloir le vérifier. Mais « il y a un manque de transparence ». Le Rapport sur le prix et la qualité de service (RPQS) ? Il a fallu « l’arracher » aux services de Marseille-Provence qui a conservé la compétence de l’eau. Le rapport annuel du délégataire ? « Il n’est pas porté à la connaissance du public, ni même des élus. »
Selon son entourage, Guy Teissier, président du conseil de territoire, ne se dit « concerné par le sujet ni de près ni de loin. Il regrette néanmoins amèrement le fait que le rapport annuel sur le prix de l’eau n’a pas été inscrit à l’ordre du jour de la dernière séance du conseil de territoire Marseille-Provence, ce qui a privé l’assemblée territoriale des informations en la matière et d’un débat qui aurait pu en découler en séance ».
L’élu Front de gauche, Christian Pellicani, a porté la question jusqu’au conseil de territoire de Marseille-Provence puis au conseil de Métropole. Où Roland Giberti, vice-président en charge du dossier, a repris le même point de vue prudent que la Sem : « Il faudra attendre le rapport et l’année 2016-2017 pour voir comment auront été gérées les difficultés sociales et syndicales. Le calcul ne s’est pas fait sur un exercice plein. Le véritable fonctionnement a débuté à partir du 1er octobre. »
Alors quelle est la réalité de ce bénéfice ? « Tout est revenu aux actionnaires », affirme Bernard Mounier, président d’EBC.« Le groupe, que ce soit la Semm, la Sem ou même Veolia, n’a encaissé aucun euro de bénéfice supplémentaire, jure Jean-Marc Simondi. D’ailleurs, nous venons de transmettre les comptes prévisionnels et le résultat est conforme aux prévisions du contrat. » Mais cela ne suffit pas à Eau bien commun qui réclame « un véritable open data » du contrat de délégation de service public, de la composition des comités de pilotage, scientifique et d’usagers.