Trop souvent, les Guadeloupéens vivent au rythme des « tours d’eau », cet approvisionnement intermittent en raison d’un réseau en piteux état : après des années de conflits et d’atermoiements politiques, la Guadeloupe semble vouloir régler son problème d’eau.
En visite dans l’archipel antillais la semaine dernière, la ministre des Outre-mer avait appelé les élus à dépasser leurs clivages: « Il est important que la gouvernance soit remise sur pied parce que si on répare de manière anarchique les réseaux chacun dans son coin, on ne va pas y arriver », avait déclaré George Pau-Langevin.
Lundi, le conseil régional, dirigé par Victorin Lurel (PS) en campagne pour sa réélection, a voté son adhésion à un syndicat unique « Eaux de Guadeloupe » qui doit regrouper à terme la plupart des intercommunalités. Le processus de création de cette entité unique de production d’eau potable pourrait être finalisé « début 2016 », espère Marcel Sijiscar, président délégué de l’office de l’eau. Cette structure, sous tutelle du département, n’a été créée qu’en 2006 pour tenter de rationaliser un peu la gestion de l’eau et a les mêmes compétences que les comités de bassin de France. Actuellement, l’office de l’eau recense 52 usines pour 170.000 m3 produits chaque jour sur un archipel de 406.000 habitants. La majorité des capacités de production se situent en Basse-Terre. Un immense tuyau, construit dans les années 1960, achemine ensuite l’eau vers les réseaux de distribution de chaque commune de la Grande-Terre et jusqu’à l’île de la Désirade, à l’extrême est de la Guadeloupe.
Dans un rapport publié en janvier, l’office de l’eau expliquait les problèmes d’alimentation par « des réseaux de distribution peu performants » enregistrant « 50% de pertes en moyenne », des « capacité de production au maximum des équipements existants », l' »augmentation de la consommation saisonnière en saison touristique » et « l’augmentation des besoins des abonnés en Carême (période sèche, ndlr) ». Le président du comité des usagers de l’eau de la Guadeloupe, Germain Paran, invoque auprès de l’AFP « des canalisations trouées de partout, des sources de captages non sécurisées, des problèmes de pollution, de facturation, des compteurs d’eau parfois obsolètes » et dénonce une mauvaise gestion passée, avec l’utilisation de l’eau « comme une arme politique ».
« Extrême urgence »
Les distributeurs évoquent eux de nombreux mauvais payeurs et un prix de l’eau trop faible. Avec un prix du mètre cube entre 70 centimes et 1,20 euro, c’est globalement trois fois moins que la moyenne nationale. Une prise de conscience avait eu lieu en septembre 2014 parmi les élus qui avaient annoncé 22 millions d’euros d’investissements pour pallier « l’extrême urgence ». Ce texte impliquait la région, le département, l’État, les présidents d’agglomération, l’office de l’eau et le Syndicat intercommunal d’alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe et les autres acteurs du dossier.
Il avait débouché sur « un Plan de Sécurisation de l’Alimentation en Eau Potable (PSAEP) » pour la période 2014-2016, qui prévoyait d’augmenter la production d’eau potable.
L’extension de l’usine de traitement de l’eau de Lamentin, inaugurée vendredi par Mme Pau-Langevin, s’intègre dans ce plan. Encore en phase de tests, elle devrait porter la capacité de production à 6.000 m3/jour.
Une usine de traitement d’eau potable au Moule a par ailleurs été construite afin de soulager « pour quelques années » les clients les plus mal desservis. Prévue pour mai, des problèmes techniques retardent sa mise en service. D’autres travaux tant sur les usines que les canalisations ou le réseau devraient débuter d’ici la fin de l’année. Les investissements retenus, réalisables dans les 3 ans, représentent au total plus de 220 millions d’euros qu’il faut encore trouver. Ces coûts élevés sont à la hauteur du chantier « colossal », selon Marcel Sijiscar, qui avance même la somme de 300 millions d’euros nécessaires pour les réparations et mise au normes, voire 600 millions avec l’assainissement.
Cécile Remusat / AFP