Sauvian (34): elles font pression contre les coupures d’eau

 Des abon­nées s’in­surgent contre des cou­pures qu’elles jugent abu­sives, voire illé­gales. À Sau­vian, elles ont alerté une as­so­cia­tion qui sou­tient les consom­ma­teurs face aux dé­lé­ga­taires.À Sau­vian, dans la cha­leur es­ti­vale de cette fin juin, des abon­nées me­na­cées de cou­pure d’eau, haussent le ton contre des me­sures qu’elles jugent in­ac­cep­tables. Sou­te­nues par la Co­or­di­na­tion eau Ile-de-France qui ré­pète, ci­tant la loi Brottes, qu’il  « est in­ter­dit de cou­per la four­ni­ture en eau dans une ré­si­dence prin­ci­pale pour motif d’im­payé, en France », elles se pré­parent à dif­fu­ser l’in­for­ma­tion dans leur vil­lage. Le ré­seau ci­toyen se targue, quant à lui, d’avoir rem­porté plu­sieurs ba­tailles ju­di­ciaires en la ma­tière(*).
Mer­credi 22 juin, Va­nessa Bon­net, sous le coup d’une mise en de­meure de ré­gler sa fac­ture de 111 €, est res­tée pos­tée toute la ma­ti­née de­vant le comp­teur d’eau pour évi­ter que les ser­vices d’as­treinte de la Scam ne passent à l’ac­tion. « J’ai trois en­fants, la pe­tite der­nière a 4 ans, je ne peux pas res­ter sans eau, ce n’est pas pos­sible. » Déjà sanc­tion­née d’une cou­pure en 2014 pour des re­tards de paie­ment, « obli­gée d’al­ler se dou­cher chez la fa­mille, d’al­ler cher­cher de l’eau à la fon­taine pour les toi­lettes… », elle a fait de son mieux pour ne pas se re­trou­ver à sec, en plein été, s’en­ga­geant à ré­gler son dû avant le 5 juillet. D’au­tant que la re­mise en ser­vice du comp­teur lui se­rait fac­tu­rée pour la somme de « 97 €, pour un im­payé ini­tial de 90 €. » Alors, même si, comme elle le ré­sume di­gne­ment, « on vit avec 1 200 € par mois, pour cinq per­sonnes, c’est un peu com­pli­qué », elle a fait en sorte de s’ac­quit­ter de la ‘dou­lou­reu­se’. Il n’em­pêche, les pres­sions épis­to­laires du dé­lé­ga­taire ont du mal à pas­ser.
La voi­sine de Va­nessa, elle aussi en in­dé­li­ca­tesse avec le dis­tri­bu­teur, a dû s’ac­quit­ter d’ur­gence d’une dette de 1 182 €. Aidée par sa fa­mille, elle a en­voyé un man­dat pour échap­per à une nou­velle cou­pure d’eau. Elle abonde : « J’ai eu beau­coup de fac­tures, ça s’est ac­cu­mulé. » An­ti­ci­pant une nou­velle « cou­pure franche » ou la mise en place d’une ‘pas­tille’ de ré­duc­tion du débit d’eau qui « coule au compte-gouttes. Il faut une demi-heure pour rem­plir une bou­teille d’eau », elle a donc, elle aussi, fi­na­le­ment obéi aux in­jonc­tions de paie­ment. Pour­tant, si elles craignent sou­vent de se re­trou­ver à court de li­qui­di­tés, ces mères de fa­mille ne sont pas à court d’ar­gu­ments pour « faire bou­ger » des ci­toyens qui su­bissent la pré­ca­rité au quo­ti­dien et « ne veulent rien dire parce qu’ils en ont honte. » In­ta­ris­sables, elles dé­plorent no­tam­ment le rè­gle­ment de fac­tures ‘es­ti­ma­ti­ves’, des frais exa­gé­rés, des condi­tions de men­sua­li­sa­tion trop res­tric­tives… Face à ce flot de contes­ta­tions, mai­ries et dé­lé­ga­taires craignent un raz-de-ma­rée d’im­payés.
(*) https://​eau-iledefrance.​fr/​ EN­TRE­TIEN Mi­li­tante de l’eau Manon Giri est membre de la Co­or­di­na­tion eau Ile-de-France qui agit pour

« que les dis­tri­bu­teurs d’eau res­pectent la loi. » Selon cette mi­li­tante, la loi Brottes, dont le dé­cret d’ap­pli­ca­tion date du 27 fé­vrier 2014, qui in­ter­dit à tout dis­tri­bu­teur de cou­per l’ali­men­ta­tion en eau dans une ré­si­dence prin­ci­pale, n’au­rait pas pro­vo­qué d’ex­plo­sion du nombre de dos­siers d’im­payés. Elle nuance en ex­pli­quant que « les grandes so­cié­tés ne sont pas trans­pa­rentes sur ces chiffres. Nous n’avons pas de re­tour pré­cis sur ces don­nées (*). » Quant à l’ob­jec­tion selon la­quelle la loi Brottes pour­rait dé­res­pon­sa­bi­li­ser les usa­gers qui ver­raient, à tra­vers elle, un blanc-seing pour ne plus ré­gler leurs ar­rié­rés de paie­ment, elle s’ins­crit en faux. Selon elle, les per­sonnes qui de­mandent le sou­tien de l’as­so­cia­tion sont dans une si­tua­tion de grande pré­ca­rité : bé­né­fi­ciaires du RSA ou de mi­ni­mum so­ciaux, en pro­cé­dure de sur­en­det­te­ment… Elle as­sure « qu’elles ont gé­né­ra­le­ment épuisé toutes les dé­marches. Elles n’ont, par exemple, plus accès au Fonds so­li­da­rité lo­ge­ment…» En outre, la mi­li­tante plaide pour une me­sure qui, a contra­rio, res­pon­sa­bi­li­se­rait les consom­ma­teurs : « On porte la pro­po­si­tion que les ta­rifs soient éta­blis en fonc­tion de la consom­ma­tion des mé­nages. » Une me­sure qui pour­rait éga­le­ment être bé­né­fique aux res­sources en eau.
(*) Aug­men­ta­tion : An­toine Fré­rot, PDG de Véo­lia en­vi­ron­ne­ment, im­pute à la loi Brottes « une hausse des im­payés de­puis huit mois, (pro­pos rap­por­tés par l’AFP en fé­vrier 2016) et le taux des im­payés qui est ha­bi­tuel­le­ment de l’ordre de 0,6-0,7 %, pour le groupe, a plus que dou­blé en huit mois. »

par Jé­rôme Mouillot
jmouillot@​midilibre.​com

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  • vendredi 1er juillet 2016
  • Édition(s) : Béziers

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